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La honte et l'honneur
La honte est la première émotion à être nommée dans la Bible. Quand Dieu crée Adam et Ève et les place dans le jardin, il est dit que « l'homme et la femme étaient tous les deux nus et ils n'en avaient pas honte » (Genèse 2.25). Après la chute, la première chose qu'ils remarquent, c'est qu'ils sont nus – c'est la honte ! Et ils se cachent devant Dieu. Essayez de vous souvenir d'un moment où vous avez ressenti la honte : Comment pouvez-vous décrire ce qu'on ressent quand on a honte ? Rougir, vouloir se cacher, se dévaloriser, se sentir moins que rien, se sentir diminué ou rabaissé. Une autre manière d'expliquer la honte est de la voir en fonction de son contraire : la fierté, la dignité, l'honneur ou, dans le langage biblique, la gloire*1. Le but de cet article est de parcourir le message de l'Evangile sous la perspective de la honte et de l'honneur. Quelle est la réponse de l'Évangile à la honte ?
Comme nous avons vu dans le récit de la chute, la honte est une réalité humaine très ancienne, pénible et presque universelle : elle touche chacun à un moment ou un autre. Nous allons parler de trois types de honte.
1 La honte suite à quelque chose que l'on a fait
On a fait une bêtise, et l'on se sent honteux. C'est un sentiment très puissant. On le trouve justement après la chute, quand Adam et Ève ont mangé le fruit interdit. Un autre exemple serait celui de Judas : pris de honte en réalisant ce qu'il a fait - qu'il a trahi et vendu son maître alors que Jésus s'était investi en lui pendant trois ans. Il ne put supporter de vivre avec la conscience de son action et il a mis fin à ses jours. Nous voyons là quelque chose de la puissance de la honte.
La honte est ressentie plus ou moins fortement dans différentes cultures. Par exemple dans les cultures orientales ; le sens de la honte et de l'honneur y est très poussé. Dans certains pays, on parle de crimes d'honneur : si une personne a fait quelque chose qui a attiré la honte sur la famille, on va jusqu'à tuer cette personne pour rétablir l'honneur de la famille ! Mais, quelle que soit notre culture, la honte est un sentiment sous-jacent dans beaucoup de situations.
« Je me condamne moi-même pour ce péché. Je ne crois pas que quelque chose d'aussi grave puisse être pardonné. »
2 La honte liée à des situations que l'on a subies
Un exemple biblique est la situation de Tamar, qui était l'une de filles du roi David. À un moment donné, elle a été violée par l'un de ses demi-frères. À ce moment-là, elle plaide avec son agresseur : « Non, mon frère, ne me déshonore pas, car on n'agit pas de cette manière en Israël. Ne commets pas cet acte odieux ! Où irais-je, moi, traîner ma honte ? » (2 Samuel 13.12-13) Dans cette situation, la honte n'est pas liée à une culpabilité de sa part. Elle n'a rien fait pour mériter la honte. La honte vient du fait qu'elle a été atteinte dans sa dignité. Ce qui lui a été fait l'a diminuée et rabaissée, c'est un manque de respect intense qui laisse des traces. Elle ressent une perte de dignité, de valeur et d'identité. Cela est vrai pour tous les viols ainsi que toutes sortes d'abus.
« Suite à ce qui m'est arrivé, je me sens souillée, je ne pourrai plus jamais vivre comme avant. »
3 La honte en tant qu'état dû à des circonstances extérieures
Cette honte n'est liée ni à ce que la personne a fait ni à ce qu'elle a subi de la part d'autrui. La pauvreté par exemple est ressentie par beaucoup comme dégradante. Cette situation n'est souvent pas due à une faute qu'on pourrait attribuer à quelqu'un, mais il s'agit d'un état qui est ressenti comme honteux. Un exemple biblique d'une personne dans un état de honte se trouve dans le récit de la femme atteinte d'une perte de sang (Luc 8.43-48). Cette femme a été transformée par la rencontre avec Jésus. Elle a vécu une guérison. D'abord une guérison physique, qui se produit dès qu'elle touche Jésus – un geste porté par sa foi et son espérance en Jésus. Ensuite, une deuxième étape de guérison se produit au moment où Jésus déclare publiquement : « Ma fille, tu es guérie, ta foi t'a sauvée. » Auparavant, cette femme était non seulement dans une souffrance physique, mais aussi dans une souffrance morale liée à la honte. Le type de maladie – la perte de sang – la rendait, dans la société d'alors, impure tant du point de vue hygiénique que religieux *2. Il est dit qu'elle en souffrait depuis douze ans et qu'elle avait dépensé_ tout son argent auprès des médecins. On peut en déduire que tout son entourage était au courant de sa situation. Elle vivait sous le poids de la honte. Cette situation devait marquer toute sa manière d'être en relation avec les autres.
« À cause de ma condition, je me sens séparée des autres, et j'ai l'impression qu'ils me méprisent. »
La honte nous sépare des autres et nous conduit à nous retirer en nous-mêmes. Du moment où Jésus annonce publiquement que cette femme est désormais guérie, le regard des gens sur à elle va changer, ainsi que son regard sur elle-même. Auparavant, elle se sentait diminuée dans sa valeur. Elle se sentait indigne. Maintenant, Jésus le Messie lui dit : « Tu as eu la foi, et tu es sauvée. » Dès lors, sa dignité est rétablie.
La réponse de Dieu face à la honte
Nous voyons là une facette de l'action de Dieu et même de Sa nature. Jésus s'est préoccupé non seulement de la maladie physique, mais aussi de cet état de honte, et il a cherché à relever cette femme. Nous voyons cette même compassion pour notre situation de honte dans le cœur de Dieu dès le jardin d'Eden. La première chose que Dieu a faite après la chute fut de donner des habits de peaux à Adam et Ève. Dans sa compassion, le Père créateur cherche à couvrir la honte de ses enfants. Cela aussi fait partie du message de l'Évangile. Nous avons l'habitude de comprendre l'Évangile sous l'angle de la culpabilité. Une transgression nécessite un paiement, une punition ou un pardon. C'est parfaitement juste. Cependant, le pardon n'est pas la seule conséquence du sacrifice de Jésus. Il est vrai que Jésus a porté notre péché et notre culpabilité à la croix. Il est également vrai que Jésus a porté notre honte.
Si nous parcourons la Bible sous cet aspect-là, nous trouvons de nombreux passages qui parlent du fait que Dieu enlève notre honte, qu'il cherche à la couvrir*3. Par exemple, dans le Psaume 22 qui décrit de manière prophétique les souffrances de Christ à la croix, nous trouvons ce verset qui décrit le sentiment de honte dans toute sa puissance : « Mais moi, je suis un ver et non un homme, la honte de l'humanité, celui que le peuple méprise. » (Psaume 22.7) Quand nous avons honte, nous avons l'impression que les gens autour de nous nous méprisent. C'est ce que Jésus a vécu à la croix. La croix était considérée comme le pire des supplices non seulement parce que c'était le plus douloureux, mais aussi parce que c'était particulièrement honteux. C'était nettement moins honteux d'être décapité, parce que la croix impliquait d'être exposé au grand public, tout nu, élevé sur une croix. C'est cela que Jésus a dû affronter :
« Parce qu'il avait en vue la joie qui lui était réservée, il a enduré la mort sur la croix, en méprisant la honte attachée à un tel supplice, et désormais il siège à la droite du trône de Dieu. » (Hébreux 12.2)
Si nous souffrons de la honte, nous pouvons savoir que Jésus nous comprend, parce qu'il a aussi souffert la honte et dans une intensité que nous n'allons jamais vivre. Il connaît la honte jusqu'à son comble. Et il n'avait rien fait pour la mériter.
Nous pouvons aussi savoir que Jésus tient à rétablir notre dignité et notre valeur, comme il l'a fait avec la femme atteinte de la perte de sang. Quand nous ressentons la honte, nous avons tendance à fuir Dieu et les autres. Comme Adam et Ève, nous nous cachons de Dieu parce que nous avons honte. Or c'est précisément en lui que nous devrions être réconfortés par le fait qu'il cherche à couvrir la honte de ses enfants. Si nous nous sentons honteux, nous devrions aller vers Dieu plutôt que de nous éloigner de lui. Si nous allons vers lui, il va couvrir notre honte et rétablir notre dignité et notre honneur
Au fond, nous sommes tous concernés par la honte, et cela va beaucoup plus loin que nous le réalisons. Nous avons vu que la honte peut être un état dans lequel on vit. Si l'on a pris l'habitude de vivre dans la honte, on s'y habitue. On ne réalise plus à quel point on vit dans un état qui est diminué par rapport à ce qui serait possible. « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. » (Romains 3.23) Le fait d'être privé de la gloire de Dieu implique que nous sommes privés de la glorieuse présence de Dieu avec nous. Cela implique également que nous sommes privés de la gloire que Dieu avait prévue pour nous. Dieu nous a créés à son image – c'est un grand honneur ! Nous portons son image ! Donc nous devrions pouvoir nous regarder avec fierté – pas une fierté basée sur un quelconque mérite de notre part, mais une fierté pleine de reconnaissance envers Dieu. Pour la plupart d'entre nous, ce n'est pas facile. Cela montre qu'au fond nous vivons tous jusqu'à un certain point sous la honte. Nous nous sentons diminués. Nous avons, quelque part en nous, l'intuition qu'il nous manque quelque chose. La Bible confirme cette intuition. Nous ne vivons pas en fonction de l'honneur que Dieu avait prévu de nous accorder, en nous créant à son image.
Le fait de recevoir Jésus comme notre Sauveur et notre Roi implique donc aussi que Dieu va rétablir notre dignité en tant qu'homme et femme à son image. Nous pouvons expérimenter cela de manière partielle dès à présent, mais cela va encore beaucoup plus loin dans la perspective de l'éternité : « En effet, celui pour qui et par qui toute chose existe voulait conduire à la gloire beaucoup de fils. » (Hébreux 2.10) La gloire, c'est le contraire de la honte ! La vie que nous menons maintenant est de loin inférieure à ce qui est possible selon le plan de Dieu. La Bonne Nouvelle, c'est que Dieu veut nous rétablir dans cette position de gloire et d'honneur prévue pour ses enfants. Un jour, nous allons pouvoir regarder Dieu en face, sans avoir honte de qui nous sommes. À ce moment-là, nous pourrons nous regarder les uns les autres, sans avoir quoi que ce soit à cacher. Nous pourrons alors être fiers de qui nous sommes, pleins de reconnaissance pour la création merveilleuse que nous sommes, et pleins de reconnaissance pour l'œuvre de rétablissement que Dieu a opérée en nous.
Prière
« Merci Seigneur de ce que tu veux rétablir la dignité de tes enfants. Je reconnais que j'en ai besoin. Je reconnais que j'ai fait des choses dont j'ai honte [nommez-les]. Je me suis comporté de manière indigne, et je te demande pardon ! Je veux également demander pardon aux personnes concernées. Merci que par ton sacrifice à la croix, je suis maintenant lavé de la culpabilité et de la honte suite à ces situations. Je te confie aussi toute la honte que je ressens parce que d'autres personnes m'ont rabaissé et ont piétiné ma dignité. Je choisis maintenant de m'en décharger sur toi, Jésus, en croyant que tu as porté ma honte à la croix. Je choisis de croire que ta puissance de restauration est amplement suffisante pour couvrir l'effet de ce qui m'a été fait. Je te dis merci pour le grand honneur d'être créé à ton image ! Je reconnais que je suis une créature merveilleuse *4, et que les circonstances de ma vie ne peuvent rien y changer. Avec ton aide, je veux vivre désormais de manière digne*5 d'un fils/une fille du Dieu tout-puissant. Amen ! »
Notes
1 : On parle peu de la gloire en langage courant, mais dans la Bible on trouve très souvent « honneur et gloire » - ce sont des notions très proches. (par exemple : 1 Chroniques 16.28 ; Psaume 29.1 ; Romains 2.10 ; 1 Timothée 1.17 ; 2 Pierre 1.17)
2 : Voir Lévitique 15.18-27
3 : Par exemple Psaume 25.2 ; 32.5 ; Esaïe 45.17 ; 54.4 ; Apocalypse 3.18
4 : Psaume 139.14
5 : Éphésiens 4.1
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Pour aller plus loin...
Questions à méditer...
1. Est-ce que je ressens de la fierté en sachant que Dieu m'a créé à son image ?
2. Qu'est-ce qui m'empêche de ressentir cette fierté ?
3. Est-ce je me sens honteux à cause de quelque chose que j'ai fait ? Est-ce que j'ai demandé pardon à Dieu et aux personnes concernées ? Si oui, est-ce que la honte a disparu, ou non ?
4. Est-ce que j'ai vécu des situations où ma dignité a été piétinée ? Est-ce que j'ai pu pardonner aux personnes concernées ? Qu'est-ce que je ressens en y pensant aujourd'hui ?
5. Est-ce que je me sens honteux à cause d'une circonstance de ma vie ? (par exemple mon apparence physique, ma provenance tribale, nationale, sociale, mon niveau intellectuel…)