N°254 - Juillet 2010

Le Lien des Cellules de Prière

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Combattre la pauvreté et la misère

1. Introduction
Après de longues études, d’abord comme ingénieur en mécanique puis en théologie, j’ai été pasteur pendant vingt-cinq ans. Parallèlement, et depuis plus de vingt ans, je vais régulièrement enseigner et travailler au développement communautaire dans de nombreux pays parmi les plus pauvres de la planète. C’est donc avec les regards de l’ingénieur, du théologien, du pasteur et du praticien que je peux tirer certaines conclusions quant au rapport entre les églises et la misère…

2. Des statistiques qui devraient nous inquiéter !
En 2000 ans de christianisme, la proportion de chrétiens dans le monde n’a jamais été aussi élevée. Aujourd’hui, il y a plusieurs centaines de millions de chrétiens. Pourtant la misère augmente partout d’une manière effrayante et pas seulement dans les pays pauvres ! En France, plus de 100 000 personnes vivent dans les rues ou les parcs. Même en Suisse, une personne sur sept doit recourir aux aides gouvernementales ou sociales et les « sans domiciles fixes » (SDF) font leur apparition dans nos villes. Que dire de la majorité des pays du Sud ! Ces évidences devraient nous alarmer et nous mettre en mouvement.

3. Où sont les églises ?
Les slams de Nairobi. Invité à prêcher dans une église, je traversais le centre de Nairobi un dimanche matin, accompagné d’un évangéliste d’African Enterprise. Au coeur des immenses gratte-ciel, mon ami me disait : « Ici l’église a 2 000 membres, là plus de 5 000, là c’est une nouvelle église et ils sont déjà plus de 1 000 ». Mais nous avons dépassé le centre pour entrer dans un des plus grands bidonvilles du monde, appelé « slam », où s’entassent plus d’un million de pauvres. Après des kilomètres de routes et pistes cahoteuses, nous sommes entrés dans une « maison » partiellement en ruine où se tenaient une vingtaine de chrétiens assis sur des planches branlantes. Les questions brûlaient mon coeur. Pourquoi seuls Steven et son épouse se donnaient-ils la peine de rejoindre cette église « bidon-ville » alors qu’à quelques kilomètres des milliers chantaient des cantiques dans de très belles salles ?

Où est l’église ? Quelle est sa mission ? Où est le Seigneur ? Voilà un exemple où croissance des églises et croissance de la misère se côtoient. Je pourrais aussi parler des townships de Cape Town, des bidonvilles de Madagascar et des favelas d’Amérique du Sud où j’ai rencontré des situations semblables. Oui, c’est vrai, de nombreuses personnes travaillent dur pour aider leur prochain. Cependant, si les statistiques mondiales de la double croissance (églises et pauvres) sont sans appel, elles ne doivent pas rester sans commentaires !


4. Quelles sont les causes de cette situation ?
Parmi plusieurs, j’en retiens trois :

a. Depuis plus de 40 ans, beaucoup vivent avec la certitude du très proche retour de Jésus. Retour précédé par l’enlèvement de l’Eglise ! Après la guerre des Six Jours en 1967, entre Israël et ses voisins arabes, un grand nombre de chrétiens ont relié cette conquête de Jérusalem avec Luc 21.24 «… Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis ». Pour les adeptes de cette interprétation, les temps des nations se sont accomplis en 1967 et l’enlèvement de l’Eglise devait donc être imminent. Pour justifier le retard de l’enlèvement, le verset 32 a souvent été cité : « Cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive ». Selon le Nouveau Dictionnaire Biblique des Editions Emmaüs, le mot génération est vraiment très flexible. Parfois « genea » est traduit par « race » comme en Matthieu 17.17 race incrédule… (par ex. le peuple d'Israël). Pour de nombreux interprètes, le verset 32 signifie : La génération de ceux qui ont crucifié Jésus verra le début de l’accomplissement de ces prophéties, à commencer par la destruction de Jérusalem en l’an 70. Oui, les prophéties se réaliseront et l’enlèvement de l’Eglise est biblique, mais il est évident que ce que j’appelle : « la théologie de la guerre des Six Jours » a nettement découragé la mission et les projets à moyen et long termes. Certes, beaucoup d’évangélistes sillonnent les pays pauvres, mais je vois très peu de réalisations conséquentes au niveau du développement communautaire. Pire ! même pour des pays qui affichent plus de 70 % de chrétiens, les niveaux de vie sont très souvent à la baisse.

Lié à ce proche retour du Seigneur (imminent, pour beaucoup, depuis 1967 !) à quoi bon chercher l’amélioration des structures socio-économiques ? A quoi bon se soucier de développement communautaire et d’écologie ? L’essentiel n’est-il pas que les âmes soient sauvées (expression courante !) et remplissent nos églises (mon église comme disent la plupart des pasteurs !). Depuis des dizaines d’années, au coeur de chaque guerre, chaque catastrophe naturelle ou encore chaque pas franchi dans la dégradation morale, nous entendons le même refrain démobilisateur : « Cette fois il est minuit moins cinq ! » Que de pendules et donc de projets arrêtés !


b­ Le mépris des bonnes oeuvres. Comme conséquences de ce qui précède, trop de chrétiens considèrent le secours matériel du prochain comme très secondaire, voire inutile.

5. Que faire ?
Revenir à la Parole de Dieu. Très préoccupé par la pauvreté et la misère et profondément choqué par l’inaction de beaucoup d’églises, j’ai creusé sérieusement l’Ecriture. Au cours de ces vingt dernières années, alliant le terrain et l’étude, j’ai été de découvertes en révélations.

Aimer son prochain comme soi-même. Dans cette quête, j’ai été très bousculé par Matthieu 7.21-23 « Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup me diront en ce jour ­ là : Seigneur, Seigneur ! N’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. » Et si je faisais aussi partie des frappeurs de portes fermées pour l’éternité ? J’ai relu tout le Nouveau Testament pour bien comprendre ce qu’était cette volonté du Père. La conclusion est claire : "Aime ton prochain comme toi-même". Ce deuxième commandement est semblable au premier. Cet amour agapé implique l’annonce du salut. Face à la misère, on ne peut pas se contenter de paroles. En Matthieu 25, Jésus s’adresse à ceux qui ont réellement aimé leur prochain. S’étant identifié aux souffrants, le Seigneur a dit : « vous m’avez donné à manger… et à boire… j’étais étranger, vous m’avez recueilli… nu, vous m’avez vêtu… malade, vous m’avez visité… en prison, vous êtes venus vers moi ». En mettant en évidence les passages qui nous invitent à prendre soin de notre prochain, j’ai été très interpellé ! Si l’Epître de Jacques est incontournable, c’est bien l’apôtre Jean qui nous défie le plus : « A ceci, nous avons connu l’amour, c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour les frères. Si quelqu’un possède les biens du monde, qu’il voit son frère dans le besoin et qu’il lui ferme son coeur, comment l’amour de Dieu demeurera-t-il en lui ? … N’aimons pas en parole ni avec la langue, mais en action et en vérité » (1 Jean 3.16-18). N’apprenons pas seulement Jean 3.16 par coeur, mais aussi 1 Jean 3.16 !
François d’Assise a dit : « Prêche toujours l’Evangile et si nécessaire en parole » !


6. La gloire et l’honneur des nations
Dans toute la Bible, les nations jouent un rôle majeur. Dans le royaume, loin de disparaître définitivement, elles seront en voie de guérison (Ap 22.2). C’est aussi dans le contexte de la Nouvelle Jérusalem que les rois de la terre devront y apporter la gloire et l’honneur de leur pays (Ap 21.24, 26). Trois passages parmi tant d’autres nous invitent à travailler au développement des nations : « Abraham deviendra certainement une nation grande et puissante, et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. » (Gn 18.18) « Jésus-Christ notre Seigneur. C’est par lui que nous avons reçu la grâce et l’apostolat pour amener, en son nom, à l’obéissance de la foi toutes les nations… » (Rm 1.5) Esaïe dit aussi : « Il paraîtra, le rejeton d’Isaï, Celui qui se lèvera pour commander aux nations ; les nations espéreront en lui… » (Rm 15.12) Combien de nations espèrent vraiment en Jésus ? Nous avons encore beaucoup de travail !

7. Le sacerdoce universel des croyants 1
« Jésus a fait de nous un royaume, des sacrificateurs (littéralement "prêtres" comme justement traduit dans la version du Semeur) pour Dieu son Père… » (Ap 1.6) Dans l’Ancien Testament, si Dieu a ordonné la construction du Tabernacle, ce n’était pas d’abord pour des cérémonies cultuelles, mais bien pour communiquer ses instructions à Moïse puis aux prêtres, pour qu’un peuple d’esclaves devienne la nation d’Israël (Ex 25.22). Les premiers livres de la Bible contiennent toutes les informations qui ont permis aux Hébreux de passer, en quelques dizaines d’années, du stade de « peuple esclave » à celui de « Peuple le plus avancé de son époque » avec un plein accomplissement au temps de David et Salomon. Sans les périodes d’idolâtrie, Israël aurait pu atteindre ce haut niveau de vie beaucoup plus vite. A ce sujet, Landa Cope a écrit un livre très révélateur et formateur 2.

Aujourd’hui encore, Dieu veut communiquer ses instructions à chaque croyant, donc à chaque prêtre, pour que les nations parviennent à l’obéissance de la foi (Rm 1.6) et se préparent à monter à Jérusalem avec gloire et honneur (Ap 21.24,26). Cette mission doit commencer par notre prochain et notre voisin et c’est bien là la vocation de l’Eglise constituée de pierres vivantes (1 P 2.4). Ces pierres vivantes étant équipées et édifiées par les anciens, parmi lesquels se trouvent les apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs (Ep 4.11) sans oublier les autres services (cf. 1 Co 12.28). La vie des églises des premiers siècles se déroulait là où vivaient et travaillaient ceux que la Bible appelle des prêtres, c’est-à-dire les croyants. Ainsi les voisins pouvaient suivre en direct la vie des chrétiens et si nécessaire être aidés par ceux qui mettaient en pratique l’amour du prochain. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, c’est le modèle général de tout le NT qui mentionne plus de trente fois l’existence de ces églises de maison.


8. Les écrits des Pères de l’Eglise
Ils ont formels : la structure de l’Eglise sous forme d’églises de maison va se prolonger tout au long des premiers siècles (pas à cause de la persécution mais de l’enseignement du Nouveau Testament). On ne peut pas en dire autant de la gestion de ces églises, car dès le début du deuxième siècle s’opère le regrettable retour au modèle de la prêtrise de l’AT. L’évêque s’est mis à dominer et, dès la conversion de Constantin le Grand, on a voulu construire de très grands édifices modelés à la fois sur le Tabernacle et la croix. Peu à peu les chrétiens se sont déplacés sur des kilomètres pour célébrer dans ces temples et les voisins ont été privés des églises de pierres vivantes. Tout le travail de l’enseignement fondamental a été centralisé et les structures sont devenues très lourdes. Actuellement, par choix théologique ou par obligation, seules les églises persécutées et certains mouvements permettent aux chrétiens de vivre une vie d’église de proximité. Le dimanche, comme dans le Nouveau Testament, si c’est possible, les petites églises de maison se regroupent à plusieurs pour célébrer le Seigneur. Pour moi, seuls un retour à l’ecclésiologie éprouvée du Nouveau Testament et l’amour concret de son prochain, nous permettront de combattre la pauvreté et la misère. Si cette vocation doit d’abord s’exercer dans nos lieux de vie et de travail, nous ne devons jamais oublier la pratique de la deuxième Epître aux Corinthiens où les pays plus riches aident les plus pauvres.


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NOTES:
1:Pour un développement plus complet : voir l’article « Le sacerdoce universel » sur le site : www.didaskalia.com ou sur le site : www.campuspourchrist.ch/Transvision08 ou vous trouverez cet article parmi d’autres y compris en MP3. Transvision 08 a réuni pour trois jours 280 leaders de Suisse romande.

2: Old Testament Template. Publication de Jeunesse en Mission. Une traduction est en cours dont le titre sera de l’ordre de : « Les principes bibliques du développement des nations »

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Le besoin d’une politique éclairée

L’article qui suit provient d’un livre à paraître prochainement sous le titre « Élections en Francophonie » de Philippe Joret. Ses qualités de visionnaire et de mobilisateur pour la cause du Royaume de Dieu l’ont largement fait connaître dans les pays francophones. Cet extrait donne un éclairage biblique et spirituel sur la différence entre l’exercice du pouvoir politique tel qu’il s’exprime lorsqu’il est corrompu et la responsabilité politique dans l’optique de service et d’autorité tels que Dieu les a conçus. Il est bon que les chrétiens engagés à la base deviennent davantage conscients de cet aspect du service chrétien ayant un apparentement avec la fonction de dirigeant.

Il faut reconnaître la difficulté que représente l’exercice du pouvoir. Souvent animés du désir de servir leur pays, ayant une vision et un projet pour développer la société dans laquelle ils vivent, les politiques finissent par être piégés par le goût du pouvoir. L’intention politique est souvent « l’art de bien conduire la cité pour garantir le bien-être de tous les citoyens », selon la vision de Platon. Dans les faits, elle devient souvent la gestion, à visage civilisé, de l’instinct de domination ou de la soif du pouvoir caché en chacun de nous. Ici, les chrétiens ne sont pas épargnés et nos dénominations le démontrent. Pourtant, il faut bien que des personnes s’engagent dans ce mandat de la gestion de la cité. La direction politique est un don de Dieu, un mandat sur lequel le Seigneur est souverain.

Les fondations bibliques
Dieu a créé l’humain avec un mandat de conduire et gouverner. Cela fait partie de notre constitution et de notre vocation d’origine. L’humain est gestionnaire et serviteur. Il est ainsi intentionnellement fait pour exercer un rôle de conducteur :

« À l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit en disant : soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, rendez-vous-en maîtres, et dominez. » Genèse 1.28

« L’éternel Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. » Genèse 2.15

« Qu’est-ce que l’homme, pour que tu en prennes soin, et qu'est-ce qu’un être humain pour qu’à lui tu t’intéresses ? Pourtant, tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, tu l’as couronné d’honneur et de gloire. Tu lui donnes de régner sur les oeuvres de tes mains. Tu as tout mis sous ses pieds… » Psaume 8. 4 à 6

Dès la création, Dieu montre qu’il crée l’humain avec une dimension de direction, ainsi, les hommes doivent diriger et se rendre maîtres de la terre « dominez » puis gérer cultivez et gardez.. Bien entendu, nous ne sommes pas appelés à prendre le pouvoir en tout et sur tous ; ce serait une dictature.


Quelle gouvernance après la chute et la corruption du pouvoir ?
Certains reconnaissent qu’Adam était destiné à être un conducteur, mais disent qu’après la chute, le pouvoir est corrompu. Ainsi, les personnes qui marchent avec Dieu seraient les gens sans pouvoir. « Dieu est du côté des opprimés, car le pouvoir a été corrompu par la chute de Lucifer et celle d’Adam. Regardez comment le pouvoir a corrompu l’humanité. »

L’intention de Dieu aurait-elle changé ? Ce que Dieu a voulu avec Adam, il l’a répété avec une grande quantité de gens dans les Écritures et l’Histoire de l’Église. Citons Adam, Noé, Abraham, Jacob, Joseph, Moïse, Josué, Gédéon, David, Salomon, Ezéchias, Néhémie, Zorobabel…Pierre, Paul, Jacques, Jean, etc.

Quand Dieu a voulu créer un mouvement dans l’Histoire des hommes, il a toujours cherché des dirigeants.
Les livres des Rois et des Chroniques nous montrent que les dirigeants peuvent orienter toute la vie spirituelle du pays. Quand un roi décidait de s’éloigner de Dieu, le pays suivait. « Lorsque Roboam se fut affermi dans son royaume et qu’il eut acquis de la force, il abandonna la loi de l’Éternel, et tout Israël l’abandonna avec lui » (2 Chroniques 12:1).

Quand les rois marchaient avec Dieu, ils réformaient les lois selon la justice et les mœurs changeaient. L’épisode du roi Josias nous montre cette réalité. La conversion du roi Josias a entraîné un engagement de tout le peuple d’Israël derrière lui, une restauration du pays et des réformes indispensables.
« Le roi se tenait sur son estrade, et il traita alliance devant l’Éternel, s’engageant à suivre l’Éternel, et à observer ses ordonnances, ses préceptes et ses lois, de tout son cœur et de toute son âme, afin de mettre en pratique les paroles de l’alliance écrites dans ce livre. Et il fit entrer dans l’alliance tous ceux qui se trouvaient à Jérusalem ; et les habitants de Jérusalem agirent selon l’alliance de Dieu, du Dieu de leurs pères. Pendant toute sa vie, ils ne se détournèrent point de l’Éternel, le Dieu de leurs pères » 2 Chroniques 34:31-33.

Combien est grande l’influence des dirigeants sur un peuple ! Ce n’est pas parce qu’il y a eu de mauvais dirigeants qu’il faudrait annuler l’intention de Dieu, qui est d’agir en collaboration avec des humains. Dans toute l’Histoire, quand Dieu a eu besoin de quelqu’un pour initier, organiser et porter un projet important, il a appelé les hommes à être des leaders.


La rédemption du pouvoir
Oui, la capacité d’exercer un pouvoir a été entachée par le péché. Lucifer a souillé le pouvoir qu’il avait au ciel et Adam a souillé le pouvoir sur terre. Caïn utilise sa force pour tuer ; Lemek, un descendant de Caïn, parle de façon tyrannique. Nimrod veut tout pouvoir pour lui et la violence s’installe sur terre comme une conséquence d’une dépravation du pouvoir.

Les rois méchants de l’Ancien Testament sont la démonstration de l’horreur du pouvoir, ce que confirme l’Histoire de l’humanité et de l’Église. L’orgueil, l’arrogance, le vain prestige, le manque de sensibilité pour les plus petits, la domination cruelle qui écrase l’autre sans le respecter, en sont les manifestations les plus répandues. Face à cela, on a essayé de trouver des moyens humains pour limiter les risques.
Le premier consiste à partager les pouvoirs en créant des contre-pouvoirs comme dans les démocraties.

Le second vise à limiter l’espace temporel du pouvoir. Pour cela on veille à empêcher que celui qui dirige s'installe dans l’habitude et exerce une domination démesurée. Pour cela, le mandat qui lui est confié est limité dans le temps. Ces mesures sont précieuses et partent d’une bonne intention, mais dans les faits, elles suscitent parfois encore davantage de lutte de pouvoir et ne tiennent pas compte des dons spécifiques de chacun.


La solution de Dieu à la nature du pouvoir souillé :
Jésus s’est soumis aux pouvoirs de toute nature, pour racheter la nature du pouvoir.Tom Marshall, dans son livre « Savoir diriger », rappelle que Jésus s’est soumis aux pouvoirs :

- Militaire : il obéit aux lois imposées par les armées romaines occupant le pays.
- Civil : à Pilate Jésus dit :
« tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en Haut. » Jean 19.11
- Familial :
« il leur était soumis. » Luc.2.52
- Religieux : Jésus a reconnu le pouvoir religieux du sanhédrin, en demandant souvent aux malades de faire constater la guérison par les sacrificateurs.
- Économique : il a payé les taxes injustes sur le peuple ; il a même vu le pouvoir satanique sur les foules en colère remplies de haine et de meurtre et il s’est rendu.


À la croix, il se livre aux pouvoirs des ténèbres ligués contre lui (Luc 22.53). C’est là qu’il peut les dépouiller ; Colossiens 2.15 n1. Jésus s’est soumis aux pouvoirs de toute nature et, par son sacrifice, rachète la nature du pouvoir.

L’obéissance parfaite de Jésus à la croix rachète la nature du pouvoir même !
« Tout pouvoir m’a été donné, dans le ciel et sur la terre ». Matthieu 28.18 voir aussi Philipiens 2.9 à 11. Le sacrifice de Jésus a racheté la nature même du pouvoir. Son ascension manifeste le rachat complet du pouvoir dans le ciel. Il a lavé le ciel de la corruption du pouvoir satanique. Il est entré dans le ciel même. Maintenant Jésus est le dirigeant des dirigeants, le roi des rois !

« Jésus-Christ qui, depuis son ascension, siège à la droite de Dieu, et à qui les anges, les autorités et les pouvoirs sont soumis ». I Pierre 3.21

État d’esprit d’une gouvernance rachetée :
Lorsque l’exercice de l’autorité est rachetée, elle montre d’autres caractéristiques que celles du pouvoir corrompu :

- Une gouvernance tournée vers la volonté du Père agit contrairement à une domination égoïste ou tournée vers les désirs du peuple. Son but est la gloire de Dieu (voir Jean 5.30, Jean 8.50).
- Le juste exercice de l’autorité et du pouvoir est orienté vers le service des autres. L’exercice de la direction va dans le sens de chercher l’intérêt du plus grand nombre, donnant sa vie pour d’autres : « la mort agit en nous ; la vie en vous » 2 Corinthiens 4.12
- Une bonne gouvernance fait grandir les autres et en fait des hommes responsables et capables de gérer. Quelqu’un a dit : « un grand homme est un homme avec qui l’on se voit grandir »


Et les dirigeants politiques ?
Qu’est ce que l’Écriture enseigne sur les dirigeants politiques ? Ont-ils un rôle à jouer dans le projet de Dieu ? Sont-ils au service du plan de Dieu, même quand ils ne marchent pas avec lui ? La Bible est riche d'exemples qui montrent que tout pouvoir vient de Dieu.

Dieu dit à Pharaon que son pouvoir subsiste parce que Dieu le veut.
« Mais, je t’ai laissé subsister, afin que tu voies ma puissance, et que l’on publie mon nom par toute la terre. » Exode 9.15, 16

Il en est de même pour le roi de Babylone :
« Afin que les vivants sachent que le Très-Haut domine sur le règne des hommes, qu’il le donne à qui il lui plaît. » Daniel 4.17 et 32 :

« Jusqu’à ce qu’il reconnaisse que le Dieu suprême domine sur le règne des hommes et qu’il le donne à qui il lui plaît. » Daniel 5.21

« Dieu brise les grands sans information et il en met d’autres à leur place. En se détournant de Lui, en abandonnant ses voies, ils ont fait monter à Dieu le cri du pauvre, ils l’ont rendu attentif au cri des malheureux… afin que l’impie ne domine plus, et qu’il ne soit plus un piège pour le peuple. » Job 34.24-30

Jésus reconnaît le pouvoir politique que Dieu a donné à Pilate :
« Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut. » Jean 19.11

Les apôtres enseignent aux chrétiens à reconnaître la marque du trône souverain de Dieu sur les monarques des nations :
« Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.» Romains 13:1
Paul écrit cela à Rome, capitale corrompue d’un Empire tyrannique. Mais il demande aux croyants de reconnaître que l’ordre d’autorité fait partie d’un monde harmonieux. En acceptant cet état d’esprit de soumission, les croyants vont exercer une influence politique qui va transformer la vie de l’Empire. Les mentalités vont changer et les réformes vont suivre.

« Obéissez aux autorités à cause du Seigneur : au roi parce qu’il est le chef de tous, et aussi aux gouverneurs. Le roi les envoie pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. Dieu veut ceci : par vos bonnes actions, fermez la bouche aux gens stupides et ignorants. Conduisez-vous comme des personnes libres, mais votre liberté ne doit pas devenir comme une couverture pour cacher des actes mauvais. Conduisez-vous plutôt comme des serviteurs de Dieu. Ayez du respect pour tout le monde. Aimez vos frères et vos soeurs chrétiens. Honorez Dieu, respectez le roi. » 1 Pierre 2.13-17

Dans ce texte, Pierre emploie le terme ktisis pour le mot « autorités ». Ce mot signifie fondations, créations, institutions. Il montre que les autorités font partie de la fondation d’un monde harmonieux, à l’opposé du chaos. Pour toutes ces raisons, l’Église s’est souvent tenue comme appui des institutions et du pouvoir. Elle a voulu rester garante d’une société sans chaos, mais cela a parfois abouti à une grande complaisance par rapport au pouvoir établi. Par contre, quand elle a su soutenir les autorités tout en défendant les valeurs morales et exerçant un rôle d’orientation des priorités sociales, elle a été une conscience prophétique.


Droits et responsabilités des dirigeants de la nation
Assez tôt dans l’Histoire, les pères de l’Église ont défini les droits et les responsabilités des dirigeants. Cela a été une véritable bénédiction, car l’exercice du pouvoir trouvait un cadre précisant les limites de ses droits. L’Église agissait comme conscience de la nation. Malheureusement, elle va elle-même, peu à peu, succomber aux séductions du pouvoir sans limites et abuser du pouvoir temporel. Ce réel pouvoir de l’Église, ainsi que l’alliance entre le « Trône et l’Autel » finiront par susciter des haines qui seront l’une des causes de révolutions (française et russe, en particulier). Mais avant d’en arriver là, il faut reconnaître que les rois carolingiens ont appliqué les principes de saint Augustin, puis de saint Thomas, définissant leur rôle et leur pouvoir.

Le principe de direction pour le bien commun
« Il est nécessaire qu’il y ait chez les hommes un principe par lequel gouverner la multitude. La multitude serait éparpillée, s’il ne se trouvait quelqu’un qui prenne soin de ce qui regarde le bien de la multitude, de même que le corps de l’homme se désagrégerait s’il n’y avait dans le corps une certaine force directrice commune visant au bien commun de tous ses membres. Ce principe directeur s’appelle l’autorité. Celui qui l’exerce gouverne la multitude d’une cité ou d’une province en vue du bien commun. »

Saint Thomas a ainsi défini l’idéal politique des rois : créer les conditions de salut du plus grand nombre, inspirer des préceptes qui développent la vertu, assurer la paix sociale par l’unité de tous les sujets, pourvoir à la suffisance matérielle.

Procurer une vie bonne, qui prépare à l’éternité.
« L’intention de tout gouvernant doit tendre à procurer le salut de ce qu’il a entrepris de gouverner. Car il appartient au pilote, en protégeant son navire des périls de la mer, de le conduire indemne à bon port. Parce que la fin de la vie que nous menons présentement est la béatitude céleste, il appartient pour cette raison à l’office de roi de procurer à la multitude une vie bonne, selon qu’il convient à l’obtention de la béatitude céleste, c’est-à-dire qu’il doit prescrire ce qui conduit à cette béatitude céleste et interdire, selon qu’il est possible, ce qui lui est contraire. »

S’inspirer de l’Écriture et pourvoir à la paix sociale et nationale
Le dirigeant politique doit s’instruire de la loi de Dieu et s’en inspirer pour y appliquer les lois en son royaume terrestre. Ensuite, il doit veiller à la paix « car la multitude des hommes, privée de l’unité de la paix, est empêchée de bien agir. »

Permettre le développement et la prospérité du plus grand nombre
Enfin, le roi doit pourvoir à la suffisance des biens matériels dont l’usage est nécessaire.
St Thomas s’inspire des principes bibliques :
« Les rois ont horreur de faire le mal, car c’est par la justice que le trône s’affermit. » Proverbes 16:12
« Un roi qui juge fidèlement les pauvres aura son trône affermi pour toujours. » Proverbes 29:14

Conclusion
En dépit des progrès technologiques, sociaux, scientifiques et du foisonnement spirituel, la planète reste dans un état de confusion. Elle reprend des allures de « l’informe et vide ». Mais, alors que je me plaignais des dysfonctionnements des nations francophones, auprès de Stelio Farandjis (secrétaire général du Haut Conseil à la francophonie), il me cita Alain : « Le pessimisme est d’humeur et l’optimisme de volonté ». Ainsi et selon ces paroles, le monde a besoin d’agents de transformation intègres et compétents. Ces hommes et femmes responsables ont le mandat de donner l’exemple et de gérer ce qui leur est confié selon l’Esprit et les valeurs de l’Évangile. Leur crédibilité réside dans leur authenticité et leur capacité à agir pour créer un avenir meilleur. Le travail des chrétiens responsables est de dissiper constamment la confusion ambiante pour voir et faire voir la lumière libératrice. Que la lumière soit !


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Notes:
1: Cet aspect-là est unique et propre à Jésus, grand Prêtre à la manière de Melchisédek. Et cette soumission temporaire de Jésus à l’oppression diabolique n’induit pas que les dirigeants chrétiens doivent se soumettre au pouvoir des ténèbres.

Livres : De Regno - Saint Thomas (éditions Luf) Savoir diriger, dans l’église et la société. Tom Marshall. Éditions JEM.