N°235 - Octobre 2005

Le Lien des Cellules de Prière

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L'amertume

Hébreux 12. 15
Veillez à ce que personne ne se prive de la grâce de Dieu ; à ce qu’aucune racine d’amertume, poussant des rejetons, ne produise du trouble, et que plusieurs n’en soient infectés ;

On admet généralement que l’amertume (ou l’amer) est l’une des quatre saveurs de base du sens du goût, les autres étant le sucré, le salé et l’acide. En réalité, il existe bien d’autres saveurs, mais il manque des mots satisfaisants pour les exprimer.
En tout cas, lorsqu’une chose est amère, nous le sentons tout de suite ! Cela est arrivé au peuple d’Israël peu après la traversée de la mer Rouge :


Exode 15 : 22-23 : « Moïse fit partir Israël de la mer Rouge. Ils prirent la direction du désert de Schur ; et, après trois journées de marche dans le désert, ils ne trouvèrent point d’eau. Ils arrivèrent à Mara ; mais ils ne purent pas boire l’eau de Mara ; parce qu’elle était amère. C’est pourquoi ce lieu fut appelé Mara. » (signifiant amer)

Le goût amer dans l’eau signale une pollution ou la présence d’un poison. Il en résulte un trouble contagieux infectant son environnement !

Lorsque les fils des prophètes ressentirent le goût amer d’un potage, ils s’écrièrent : La mort est dans le pot ! (2 Rois 4 : 40)

Au sens figuré, l’amertume indique une détérioration des relations. Dans la bible, elle illustre souvent la malédiction, ou la contamination. Selon l’auteur de l’épître aux Hébreux, (passage plus haut) elle prive même de la grâce.

Il existe plusieurs genres d’amertume, dues à divers facteurs personnels tels que dépits, échecs et autres troubles intérieurs ; mais son origine est le plus souvent dans l’injustice, et des déceptions. C’est cet aspect que nous abordons ici.


Injustice dans le monde moderne
Notre époque offre un terrain fertile à l’amertume, accentuant le fossé entre riches et pauvres, forts et faibles, procès insensés, etc. Elle engendre d’énormes mouvements de revendications, de grandes manifestations où des foules de mécontents expriment leurs révoltes.

Au plan individuel, les grandes souffrances imméritées engendrent souvent la soif de vengeance.

Plus de gens que l’on ne pense ont été victimes de drames de toutes sortes : des vies ruinées suite à des mauvais traitements durant l’enfance, esclavage moderne, salaire humiliant, magouille, abus de pouvoir (mobing) etc. Tout cela, et bien d’autres choses, alimente le ressentiment, la rancune, et provoque le besoin de vengeance, de trouver des coupables ou entretient simplement le sentiment d’avoir « été roulé dans la farine ».

L’injustice ravage dans tous les sens : elle est issue du mal que l’on nous fait, et nous conduit souvent dans une attitude également fautive en nous rendant amer.


Un problème de gens vertueux
Des personnes idéalistes, éprises de justice, supportent un châtiment juste ; elles expérimentent alors le fruit paisible de justice (Hébreux 12 : 11).

Par contre, ces mêmes personnes sont très perturbées lorsqu’elles doivent subir un châtiment non mérité : Il s’agirait alors plutôt du
fruit pénible de l’injustice !

Chacun sait combien les enfants surtout, peuvent en être profondément perturbés et comment parfois des sentences injustes de la société des adultes ont ruiné leur vie.
L’exhortation de Hébreux 12 est bien adressée à des chrétiens, et le commentaire que nous en faisons s’adresse donc au peuple de Dieu !

Pourtant, au départ, l’amertume n’est pas forcément due ou causée par une faute non confessée.

Elle peut même provenir d’une bonne action, du fait d’avoir été… bon !


Exemple : avoir voulu aider une personne dans la détresse et avoir appris qu’elle déclarait que l’on faisait cela pour l’espionner !

La méchanceté, l’ingratitude ou la fourberie des personnes auxquelles on voulait du bien provoquent le regret de l’avoir fait ! Le bien s’est changé en mal !

Avec subtilité, Satan est parvenu à nous faire regretter notre bonté :
« Quand je pense à tout ce que j’ai fait ! » « Tout ça, pour la reconnaissance que j’ai eue ! » « Le jour où j’ai fait cela, j’aurais mieux fait de me casser une jambe ! »

Submergé par la rancoeur, alimentant la rancune, je perds la joie de Christ. Certes, je demeure fidèle au Seigneur, mais je suis amer ! Cet état d’âme peut empoisonner nos prières en leur donnant une teinte de revendication. Nous demandons à Dieu de punir, nous faisons appel au vengeur. Nous risquons de laisser instiller en nous une mauvaise sagesse selon ce monde ; nous déclarons :

- Bon et bête commencent par la même lettre.
- On m’a eu une première fois, mais on ne m’aura pas une deuxième !
- On n’apprend pas au vieux singe à faire des grimaces !
- Je ne suis pas tombé de la dernière pluie

- J’en arrive à approuver l’idée que le sage est celui qui est dur, qui ne s’en laisse pas conter ! On peut en venir à prôner la négation de l’enseignement de Jésus, en particulier celui du sermon sur la montagne.

Mat : 5-7 Mt. 5 : 20 : « Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. »

Remarque : nous ne voudrions pas susciter la confusion entre bonté et naïveté ! Jésus nous a aussi recommandé la prudence et la réflexion, permettant d’éviter bien des désillusions. Mais on observe qu’un endurcissement et un manque de compassion peuvent naître dans le coeur de celui qui a été trompé et l’entraîner à une conduite charnelle

Une plante vivace
«Veillez à ce qu’aucune racine d’amertume, poussant des rejetons… »

L’amertume n’est pas un phénomène isolé que l’on peut neutraliser. Elle est une plante vivante, pourvue de racines et produisant des rejetons. C’est donc un problème non réglé ; nous ne pouvons pas reléguer cela quelque part au tréfonds de notre inconscient. C’est vivant. Cela fait des petits ! L’amertume développe une fausse vie encore plus dangereuse que les oeuvres mortes !

Et ces racines mauvaises peuvent se développer dans la bonne terre et proliférer. La multiplication des rejetons fera que
« plusieurs seront infectés ». Comme pour l’ivraie ! Nous pouvons établir un parallèle avec la parabole de l’ivraie du champ de Matthieu 13 : 24.30 :

- L’ivraie que l’ennemi a semée a aussi une vie.
- Sa puissance de croissance est identique à celle du blé.
- La mauvaise vie est aussi bien organisée que la vraie.


On peut aussi observer que l’ennemi en semant, fait le même travail que le Maître, mais de nuit, et avec une graine de plante toxique !

Si une fausse vie sévit, il est important d’intervenir. Certaines choses s’estompent avec le temps. Pas l’amertume. La bible nous met vigoureusement en garde.
« Veillez ». Attention au danger de l’habitude, de la tolérance du mal. Et du moment qu’il s’agit de racine, il n’est pas question de tailler ni d’émonder en coupant simplement les rejetons. La racine est mauvaise ; il faut éradiquer !

Mat. 7 : 17 : « Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. 18 Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ou un mauvais arbre porter de bons fruits. 19 Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 20 C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »1

Des chrétiens amers !
Dans Galates 5 : 19-21, nous trouvons toute une panoplie des fruits mauvais que peut produire un coeur amer. On y trouve entre autres les querelles, les disputes, la jalousie et l’inimitié venant parfois pourrir les relations au sein d’une maison.

Mais l’amertume peut aussi naître dans notre méditation générale sur le monde La Bible nous cite l’exemple d’Asaph, pourtant psalmiste ! Le psaume 73 nous relate la crise aiguë qu’il traverse
C’est donc en vain… (Lire tout le Ps. 73).

Il sort de son aigreur en pénétrant dans l'intimité de Dieu (« les sanctuaires » v 17). Un autre exemple pathétique est celui de la belle-mère de Ruth :


Ruth 1 : 19-21 : « Elles firent ensemble le voyage jusqu’à leur arrivée à Bethléhem. Et lorsqu’elles entrèrent dans Bethléhem, toute la ville fut émue à cause d’elles, et les femmes disaient : Est-ce là Naomi ? Elle leur dit : Ne m’appelez pas Naomi (ma gracieuse) ; appelez- moi Mara, car le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume. J’étais dans l’abondance à mon départ, et l’Eternel me ramène les mains vides. Pourquoi m’appelleriez-vous Naomi, après que l’Eternel s’est prononcé contre moi, et que le Tout-Puissant m’a affligée ? »

Le fait important à souligner est que, paradoxalement, elle rend Dieu responsable de son affliction ! Le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume.

On trouve un peu cette même réaction auprès de certains chrétiens ! Ils sont amers précisément à cause de leur origine chrétienne. Ils nourrissent l’idée que le fait d’être né dans une famille chrétienne a été pénalisant. « On nous a tout interdit. On a été étouffé, on n’avait aucune liberté. » Plutôt que de bénir Dieu d’avoir été préservés (même au moyen de parents sévères ou parfois maladroits), nous sommes persuadés d’avoir passé à côté d’un tas de choses !

Il faut dire que notre époque, friande de voyous repentis très médiatisés, laisse parfois penser que seuls ceux qui ont fait les 400 coups avant leur conversion sont des chrétiens valables ! Prenons donc garde de ne pas entrer dans un processus vicieux où nous utiliserions l’attrait du mal pour mettre en évidence le bien !

Il est presque plus facile de gérer les offenses dont nous avons pu être coupables que celles dont nous avons été victimes ! Nous ne pouvons pas confesser la faute dont nous sommes victimes lorsqu’elle est imputable à quelqu’un d’autre, mais nous avons à confesser les sentiments que cette faute peut avoir engendrés dans notre coeur.


Mt. 5 : 23-24 : « Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande. »

Si Dieu demande de résoudre le problème du ressentiment de mon frère contre moi, à combien plus forte raison faut-il résoudre celui de mon propre ressentiment envers lui. L’amertume s’alimente souvent dans une affaire pas complètement réglée. Il n’y a eu que résignation, mais pas guérison. L’idée d’avoir été victime d’une injustice entretient une douleur, (parfois même une colère sourde), et le malin a beau jeu de la réalimenter à chaque occasion, laissant se dégager de douloureux souvenirs.

Conclusion
Nos quelques réflexions auront certainement débusqué en vous pas mal de points à revoir. Mais que faire ?

Certains, acceptant la défaite, ont déjà déposé les armes
« Quand je repense à ce tout qu’on m’a fait, c’est plus fort que moi ! tout ressort ! »

Ruminer fera de vous une personne sombre et pourra aller même jusqu’à vous marquer physiquement !

Plus de pouvoir que l’on croit sur la pensée
Nous avons évoqué une plante vivante ! Nous savons tous que ce sont les plantes que l’on soigne et arrose qui croissent. Cela s’applique aussi à nos pensées. Nous pouvons choisir ce que nous voulons favoriser.

Ph. 4 : 8 » « Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. »

La solution proposée par Jésus :
Le message de Jésus est très pratique :

Mt. 5 : 44-45 : « Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »

Il ne s’agit pas d’une attitude passive ou résignée. Jésus nous propose de faire du bien, de bénir.

Il ne s’agit nullement de « positiver » comme le suggèrent certaines méthodes du monde. Il est hors de question fermer les yeux, de nier l’évidence du mal, de ne vouloir voir que le bon. Jésus n’invite pas à une gymnastique et une tension intellectuelles appliquant une sorte de « méthode Coué » (autosuggestion mentale), empreinte de tolérance et d’angélisme.

Je demeure réaliste, voyant le monde tel qu’il est réellement. Mais je n’exige pas de le changer pour aimer.

La vraie guérison n’exige pas l’assouvissement d’une vengeance. Je suis bien même dans un monde qui va mal. Et avec ceux qui m’ont fait du mal, je suis quand même à l’aise !


C’est la notion forte du pardon des offenses énoncée dans le « Notre Père » !
À la déclaration centrale : (Mt. 6 : 12) « pardonne- nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », s’ajoute le commentaire : (Mt. 6 : 14) « Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. »

C’est la présentation du pardon total. Mais elle est souvent mal comprise : si, débouchant sur une notion de devoir, elle me dicte qu’il faut, que je dois, que c’est un devoir, la condition absolue, elle constitue alors une contrainte pénible. En réalité, il s’agit d’une proposition merveilleusement libératrice : Si Dieu, connaissant tout de moi, m’a pardonné tous mes péchés, qui suis-je pour retenir quoi que ce soit contre qui que ce soit ? (Mat. 18 : 21-35)

Luc 6 : 36 : « Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. »

Exemple de David : Faire du bien
David aurait pu passer son temps à ruminer le mal que Saül lui avait fait. Son règne aurait pu être empoisonné par un besoin d’effacer tout ce qui pouvait subsister de son rival. Au lieu de cela il se souvient plutôt de son amitié avec Jonathan, et réfléchit comment faire du bien à ses descendants.

2 Sam. 9 : 1 «David dit : Reste-t-il encore quelqu’un de la maison de Saül, pour que je lui fasse du bien à cause de Jonathan ? »

Une proposition concrète
Prenons la décision de déployer honnêtement devant Dieu tous les griefs pouvant encore se dissimuler derrière la façade de notre respectabilité et même de notre piété. Cela nous aidera à entrer dans une limpidité nouvelle.

Nous pourrons alors être débarrassés définitivement de douleurs morales sournoises venant insidieusement nous tarauder et ternir notre « joie de Lui appartenir ». Il s’agit essentiellement d’une démarche personnelle, mais la communauté de prière peut nous être d’une grande aide par le partage et la confession.

Nous vous exhortons donc à une relecture fragmentée des divers points de cette méditation, en donnant le temps qu’il faut à chacune de nos situations. La stimulation au pardon inconditionnel fera perdre à l’ennemi ses droits d’accusation et de raillerie. On entrera ainsi dans une dynamique de victoire.


Prière
Seigneur, Tu as porté sur la Croix, non seulement nos maladies, mais aussi les souffrances de l’injustice, toi le Juste exécuté comme un malfaiteur. Nous te demandons de nous accorder, à nous aussi, par ton Esprit, cette grâce de pouvoir pardonner à ceux qui nous ont blessés et poussés à la révolte. Nous savons aussi que certaines de nos situations difficiles ne sont pas imputables qu’aux autres, et nous demandons que tu répandes en nous une lucidité de repentance, d’amour et de bienveillance.

Note 1 La sentence : « jeté au feu » : Il ne s’agit pas de brûler des gens mais de mettre à mort les racines d’amertume en les abandonnant à haute voix dans la mort de Jésus. C’est là qu’elles perdent leur vie