N°089 - Avril 1969

Le Lien des Cellules de Prière

  • Spirituel
  • Royaume de Dieu
  • Jésus-Christ

Communiquer la vie

Dans l’Évangile de Jean, au chapitre 4, nous voyons comment Jésus s’y prend pour aborder, intéresser, éclairer et transformer une inconnue au point d’en faire une missionnaire en Samarie. Puisqu’il veut poursuivre son œuvre à travers nous, regardons de près l’exemple qu’il nous donne ici!
 

Première étape: APPROCHE (v. 4 -15)
Ce qui frappe chez Jésus, et ce qu’il veut donc nous communiquer, c’est sa disponibilité.

A) Il est prêt à se rendre 
n’importe où, ici sur une piste malcommode entre la route du bord de la mer et celle qui longe le Jourdain. Cette disponibilité peut nous obliger à prendre des repas dans des cantines d’ouvriers étrangers, dans le bruit et la fumée, comme aussi à participer à un repas d’hommes d’affaires intimidants ou à une rencontre de chefs de syndicats, peut-être d’industriels (v. 4-5).

B) Jésus est disponible 
n’importe quand (v. 6): dans un état de fatigue, de moindre résistance physique, au plus fort de la chaleur de Palestine, à midi, au moment où l’on aurait plutôt envie de faire la sieste et qu’on vous laisse tranquille. Avez-vous remarqué combien souvent notre Maître peut mieux nous utiliser quand nous sommes "à plat" parce que nous agissons moins avec nos propres forces et plus avec les siennes? Convalescence d’accident ou de maladie, lendemain d’une grosse humiliation, fardeau lourd et durable nous empêchent de dire aux autres: "Vous n’avez qu’à faire ceci ou cela, c’est tout simple!"

C) Jésus est disponible pour aborder 
n’importe qui (v. 7-9) : ici une femme de mœurs fort légères, habituée à entendre des plaisanteries douteuses plutôt qu’à accepter un entretien spirituel. De plus, c’est une Samaritaine, c’est dire qu’elle appartient à ce peuple d’origine assyrienne qui n’a qu’un petit vernis de religion juive. Vous pensez si c’est injurieux pour un juif de se faire traiter de porc, l’animal impur par excellence. Or, il y a pire: c’est de lui lancer au visage: "Espèce de Samaritain!" (Pour en savoir davantage sur cette vieille querelle entre juifs et Samaritains, vous pouvez chercher dans 2Rois 17 v.24 et suivants; Esdras chapitre 4.) Sommes-nous prêts à nous réconcilier avec quelqu’un qui nous a fait du tort pour lui communiquer avec patience quelque chose de nos convictions ou de notre expérience? Y a-t-il quelqu’un que nous n’aimons pas et cela constitue-t-il un obstacle à l’avance du règne de Dieu?

D) Jésus est disponible pour parler de 
n’importe quoi (v. 10-15): entendons-nous bien. Non pas de n’importe quoi qui lui passe par la tête, ou qui l’intéresse lui; mais n’importe quelle image qui soit accessible à son interlocuteur. Il parle de poissons et de filets à des pêcheurs, de semence et de terrains à des laboureurs, d’eau courante à une femme qui vient chercher de l’eau de citerne qu’elle devra cuire pour la boire sans danger. L’amour chrétien, ne pensez-vous pas que c’est parfois "perdre du temps" à s’intéresser au dada de notre prochain pour le mieux connaître plutôt que de vouloir d’emblée, avec indiscrétion, s’enquérir des besoins de son âme! Un de mes amis se faisait rabrouer un jour par un camarade de travail qui lui disait:

– Moi, je ne vais jamais à l’église parce qu’on y trouve des hypocrites!

– Si ta femme va au marché, lui répond mon ami, et qu’elle découvre dans son panier, en rentrant, des prunes pourries au milieu des autres, va-t-elle jeter tout ce qu’elle a dans son panier?

Une image frappera souvent davantage et restera mieux en mémoire que de savants arguments. C’est pourquoi un chrétien s’intéresse à tout ce qu’il voit et entend, puisque les moindres détails de la vie quotidienne peuvent servir de véhicules à la Parole de Dieu. N’est-ce pas une bonne manière d’utiliser notre imagination plutôt que de la laisser s’effilocher en rêveries et en fantasmes?

Remarquons aussi en passant, combien cela peut faciliter l’abordage d’un inconnu de lui demander un service qui vous place en dessous de lui! (v. 7)
 

Deuxième étape: ACCROCHAGE (v. 16-26)
Cette femme n’a pas compris l’image pourtant si frappante de Jésus: quel encouragement à la patience pour nous autres3! Il faudra donc aller plus profond et se tenir prêt à pénétrer sur un terrain brûlant, celui des problèmes personnels, celui aussi de la foi personnelle. Comment témoigner?

A) Jésus met le doigt sur 
la blessure la plus profonde de cette femme: sa vie de famille. Ici, attention! Casse-cou! Le Seigneur, qui est sans péché, qui est toute humilité et toute compassion, peut se permettre de mettre au jour cette plaie, encore qu’il le fasse sans aucun jugement, comme une constatation: "Tu as eu cinq maris…" (v. 16-19) Certes il peut arriver que nous soit accordé le don redoutable que 1Corinthiens 12 appelle "la parole de connaissance surnaturelle" et que nous devinions comme Jésus quel est le problème lancinant de notre interlocuteur, par l’Esprit. Mais, en général, il nous est proposé d’utiliser une autre méthode: partager, dans l’amour chrétien, tel péché qui nous a v été pardonné, tel problème que Dieu nous a donné de résoudre, ce qui nous place humblement au-dessous de l’autre plutôt qu’au-dessus. Comme me le disait une fois une coiffeuse croyante: "Il est plus facile de savonner la tête de quelqu’un que de lui laver les pieds!". L’apôtre Paul ne craignait pas de rappeler qu’il avait persécuté l’Église et qu’il n’était qu’un "avorton". Les douze ont dû raconter leurs faiblesses (reniement de Pierre, doutes de Thomas, discussions pour savoir qui était le plus grand, etc.) pour que les auteurs des Évangiles en parlent. Jésus lui-même a dû raconter ses propres tentations pour que nous le sachions vraiment homme, quoique Fils de Dieu.

B) Jésus se heurte, comme cela nous arrive souvent, à une 
réaction de défense, d’amour-propre, qui inspire à cette Samaritaine un excellent moyen de détourner la conversation devenue trop brûlante: d’abord un compliment (v. 19), puis une discussion théologique!

Je me souviens m’être laissé prendre une fois, lors d’un entretien d’évangélisation qui devenait palpitant, à le laisser dévier par une question habile: "Ah! vous êtes de l’Église Libre? Comment faites-vous pour payer vos pasteurs?". Et tout fier, me voilà embarqué dans une longue réponse sur la beauté de l’offrande volontaire!

"Faut-il adorer à Jérusalem ou sur le Mont Garizim, le Temple concurrent?" demande la Samaritaine. Mais Jésus ne se laisse pas prendre au piège. "L’important, dit-il, c’est l’esprit avec lequel on adore le Seigneur" (v. 24). Ce "en vérité" pourrait se traduire aussi "en réalité" par opposition à ce qui n’est que vent et paroles. Peut-être vous est-il arrivé de pouvoir ramener l’entretien au centre en demandant très respectueusement à votre interlocuteur s’il a de la joie à entrer en contact avec Dieu dans la méditation?

C) C’est alors le point culminant du dialogue, le moment où se manifeste la 
présence même du Messie (v. 26). "Je le suis, moi qui te parle", dit Jésus. Ce Messie dont on a entendu parler, qui pourrait résoudre tant de problèmes, répondre à tant de questions, Il est là tout à coup. Comment faire mieux sentir cette présence du Messie qu’en proposant à la fin d’un entretien confiant un moment de communion silencieuse ou exprimée avec Celui qui a subi notre condamnation à notre place sur la croix? Bien sûr, cela se propose mais ne s’impose jamais. Bien sûr aussi, cette prière sera fort brève et sans formules pieuses toutes faites. Bien sûr encore, ce sera merveilleux si l’autre peut exprimer lui-même ce qu’il ressent, ne fût-ce que par un "amen" (en vérité!). L’essentiel est alors que nous puissions nous effacer nous-mêmes pour laisser toute la place au Tout-Puissant, comme Jean-Baptiste: "Il faut qu’Il croisse et que je diminue".
 

Troisième étape: CONTAGION (v. 27-30 et 39-42)
Une seule personne qui reçoit du Christ le "coup de grâce", et c’est le réveil assuré dans toute une région. Pourquoi?

A) Parce que cette femme, en rencontrant Jésus et son pardon, met au premier plan de sa vie l’urgence de Le faire connaître. Elle 
abandonne sa cruche (v. 28), alors que c’est pour chercher de l’eau qu’elle a pris la peine de sortir de chez elle par la plus forte chaleur du jour. Les préoccupations affectives, familiales, professionnelles et autres ne sont pas abolies, mais elles deviennent des occasions d’évangélisation. Quand Jeanne d’Arc prenait pour devise: "Messire Dieu premier servi!", cela ne l’empêchait pas d’être une ardente patriote, mais toute son activité, désormais, était ordonnée à l’avance du règne de Dieu dans son pays. Notre travail quotidien peut être ingrat ou harassant, mais qu8el sens il prend quand il devient un moyen d’atteindre pour le Seigneur ceux qu’il veut ainsi toucher à travers nous!

B) Le deuxième signe de réveil et ce qui l’amène, c’est cette repentance si sincère et courageuse de cette femme de mauvaise vie qui ose dire à ceux qui connaissent sa réputation: 
"Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait" (v. 29). Oser dire cela aux gens de sa propre bourgade, voilà un acte qui aura des répercussions!

C) Le plus grand des miracles, celui qu’on ne peut réfuter ou expliquer, c’est toujours une 
transformation de vie: celle-ci a immédiatement convaincu bon nombre de compatriotes (v. 30 et 39). Dans cette atmosphère de réveil, d’autres conversions seront plus faciles et plus rapides, car un changement de vie fait toucher du doigt la proximité du Seigneur aussi bien que la pêche miraculeuse de Luc 5.

D) Les Samaritains ne dépendent plus, dans leur foi pourtant toute neuve, du témoignage de cette femme; ils accueillent eux-mêmes, personnellement et collectivement le Messie: "Ils le prièrent de rester" (v. 40) et "Nous l’avons entendu nous-mêmes" (v. 41-42). Jésus n’est pas seulement leur Sauveur personnel, mais ils ont aussitôt compris le rôle cosmique du Christ, le 
Sauveur du monde. Si un homme ou une femme, un enfant ou un vieillard fait un pas décisif sur le chemin de l’obéissance, dans un coin perdu d’une grande ville ou dans une petite ferme foraine, cela aura des conséquences jusqu’aux extrémités de la terre. Une grippe à virus est contagieuse: combien plus une foi dynamique portée par la puissance irrésistible du Saint-Esprit et dans l’amour du seul Roi qui ait l’avenir pour lui!