Le Lien des cellules de prière

111 | Octobre 1974

Les liens (qui entravent notre vie)

"Tu es cet homme-là!" 2 Samuel 12:7

"Que celui qui est sans péché jette la première pierre." Jean 8:7

"Il se leva et fut baptisé." Actes 9:17-18.

Non, il ne s’agit pas ici des liens unissant entre elles les cellules de prière. Ceux qui nous préoccupent aujourd’hui sont, hélas! de nature bien différente: nous voulons parler des entraves qui maintiennent l’homme prisonnier de lui-même ou qui paralysent la vie spirituelle du croyant. Elles suggèrent tout aussitôt, bien sûr, ces fléaux modernes que sont la drogue, le spiritisme ou l’engouement pour les mystiques orientales: chaînes bien visibles que celles-là! Mais il en est d’autres, subtilement dissimulées, seules connues de ceux qu’elles ont enlacés: ou peut-être n’en sont-ils même pas gênés! Une conscience émoussée, la force de l’habitude, l’engourdissement dans une tradition, le sentiment de propre justice, voilà les liens cachés et tenaces dont nous devons révéler l’existence jusque dans nos milieux évangéliques. Il est ainsi des chrétiens qui prennent la sainte cène alors qu’ils sont, plus ou moins consciemment, liés par le péché, le dogmatisme ou la coutume. Et lorsqu’on est lié, on ne progresse qu’à petits pas, même pas du tout.

L’invitation à cette retraite contient cette belle déclaration: "nous voulons être libérés de nos entraves, de nos paralysies spirituelles 'pour être en contact avec le Christ et les œuvres qu’il a préparées à l’avance pour que nous marchions en elles." Si donc nous avouons la réalité de ces entraves, nous allons tenter de les discerner. Puis il nous faudra les confesser afin que le Seigneur les brise et que nous puissions enfin "marcher"!
 

Le Lien de la faute cachée
Considérons d’abord celle, si courante, de la "faute cachée". L’exemple que nous en donne le deuxième livre de Samuel est riche d’enseignements: voilà David, roi en Israël, meurtrier et adultère. Lorsque paraît Nathan le prophète, il n’éprouve pas la moindre inquiétude: n’a-t-il pas pris toutes ses précautions pour effacer les traces de son forfait? N’a-t-il pas veillé à ce que les acteurs de cette tragédie ignorent chacun le rôle de l’autre? David peut donc régner encore, impunément, avec toutes les apparences de la droiture et de l’innocence. Il sera toujours le roi-poète, il pourra composer encore des psaumes de haute tenue spirituelle!

Mais Nathan parle. Il raconte l’histoire de ce mauvais riche dérobant le seul bien de son malheureux voisin. David en est outré. Se peut-il qu’en son royaume existe un misérable de cette espèce? Qu’il rende quatre fois la valeur de ce qu’il a pris, et qu’on le mette à mort! Et Nathan dit: "Tu es cet homme-là!" Parole terrible que celle-là: d’un seul coup, voilà David dépouillé de sa fausse respectabilité, l’homme pécheur mis à nu. Mais aussi parole de grâce qui le contraint à la vérité après les longs jours d’insupportable mensonge. Il y discerne l’intervention même de Dieu et comme le seul instant possible de sa réconciliation avec Lui. Quel que soit le prix de sa délivrance, il la désire plus que la vie, il s’abandonne tout entier à l’infinie miséricorde de son Dieu et confesse: J’ai péché.

Qu’on nous comprenne bien: cette confession ne va pas de soi. Aucune confession de péché ne va de soi. À lire celle de David, on imaginerait volontiers qu’elle fut aisée, inévitable. Et cependant! Combien sont-ils, ces chrétiens liés comme David, et qui préfèrent malgré tout, consciemment ou non, demeurer dans leur péché? Ce n’est pas que leur conscience ne cesse de parler, mais ils ne l’entendent plus. Il suffit de résister à sa voix une première fois. C’est d’abord pénible, puis supportable. La crainte diffuse d’un châtiment mérité se dissipe et l’on poursuit en claudiquant une existence insatisfaite, spirituellement inutile. C’est grave d’en arriver là! Plus grave encore s’il s’agit d’un croyant qui, pourtant adulte dans la foi, en vient à se persuader que Dieu le bénit malgré tout! Ce frère se trouve peut-être parmi nous, désireux d’accomplir "les œuvres que le Seigneur a préparées à l’avance pour ceux qu’Il aime". Le voilà qui se présente à l’imposition des mains. Il la reçoit et s’en retourne… à vide! Pourquoi? Il n’a pas confessé son péché, Dieu ne peut agir, rien n’est changé dans sa vie. Qu’il y revienne dix fois chaque année pendant dix ans, qu’il se démène et s’active à noyer le poisson, qu’il se fasse illusion à force de pieux raisonnements, il reste lié et ne peut échapper à cette réalité accusatrice: "Tu es cet homme-là!"

Frère, si tu es "cet homme-là", ce n’est pas à nous de te le dire. Le Saint-Esprit s’en charge lui-même aujourd’hui. Écoute-le comme David écouta Nathan. Et réponds comme lui: "J’ai péché". Saisis l’occasion qu’Il t’offre tandis qu’Il te parle et met le doigt sur la plaie de ce péché qui t’affaiblit. Tu t’es forgé peut-être toutes sortes d’arguments pour amoindrir ta faute, jusqu’à n’y voir qu’une peccadille. Et pourtant tu sais bien qu’à la mesure de Dieu, elle est justement celle qui paralyse ta marche spirituelle. Que le Seigneur te la montre à la radioscopie de son Esprit, puis confesse-la devant Lui. Alors Il rompra ton lien. Libre, et dans la joie d’une pleine communion retrouvée, tu pourras dès lors t’engager dans ces œuvres qu’Il a préparées à l’intention de ses enfants, à ton intention.
 

Le Lien de la tradition
Voilà pour le lien du péché. C’est le premier, parce que le plus tenace sinon le plus fréquent. Et Dieu ne peut supporter la vue d’une telle souillure chez ses enfants bien-aimés. Mais il est une autre chaîne, non moins résistante, dont il faut que nous parlions encore. Elle est implicitement dénoncée par le Seigneur Jésus dans le huitième chapitre de l’évangile de Jean. Il s’agit du lien de l’institution, celui qui entrave ces scribes un peu trop pressés de lapider la femme adultère. Ah! L’institution et ses sacro-saints règlements, quelle terrible emprise n’a-t-elle pas sur tous les scribes du monde! Elle les transforme en gardiens jaloux de la tradition, en cerbères de la loi dont ils appliquent à la lettre les ordonnances… lorsqu’elles concernent les autres. Ce sont des rigoristes. Méfions-nous des rigoristes. Leur réputation d’incorruptibles justiciers sert trop souvent à masquer leurs inavouables faiblesses.

Mais Jésus le sait, Lui qui connaît le cœur de l’homme. Alors Il démasque leur hypocrisie: " Que celui d’entre vous qui n’a pas péché jette la première pierre". Et les voilà qui s’en vont l’un après l’autre, tout confus. Pourtant, ils se croyaient forts de leur bon droit: n’avaient-ils pas la loi pour eux? Déjà ils se frottaient les mains, certains que Jésus devrait bien leur donner raison. La vérité, dont ils se faisaient les défenseurs intraitables, Jésus allait la confirmer Lui-même, incontinent. Tout L’y contraignait: le flagrant délit de cette femme, la qualité de ses juges, les termes précis et inexorables de la Loi…

Oh! que de divisions mortelles, que de déchirements douloureux l’Église se serait épargnés au cours des siècles si elle avait saisi la leçon profonde de ce récit! Et quelle leçon? Celle que la vérité, si lumineuse soit-elle, ne se conçoit pas sans l’amour. Car Dieu Lui-même, l’auteur de la Loi, est amour8; le Seigneur Jésus nous le révèle ici, glorieusement: contre ces rigoristes impitoyables, Il retourne leur propre loi! Mais pour la condamnée, c’est une parole de grâce: "moi non plus, je ne te condamne pas. Va, ne pèche plus!" Parce que la condamnation de cette femme, Il va la prendre sur Lui à la Croix; parce qu’Il s’est chargé de toutes nos condamnations, Il a le pouvoir de pardonner les péchés! Aux scribes, sûrs de leur science biblique, de leur position inattaquable qui les enfle d’une superbe aveugle, Il ne peut que renvoyer la balle: pour eux, pas de pardon possible…

L’attitude des scribes se retrouve ici et là dans l’Église tout au long de son histoire. Aujourd’hui encore, il est des frères, et peut-être ici même, qui se retranchent comme eux derrière le rempart de l’institution qui les a formés à une théologie toute faite… une théologie qui se tient, logique et rigide comme un code de lois: c’est en son nom qu’on se bat entre croyants à coups de versets bibliques. On ne s’entend plus, mais on ne cherche qu’à se faire entendre. Où est ici l’Esprit qui vivifie? N’est-ce pas plutôt la lettre qui tue? (2 Cor. 3:6).

Ah! les scribes le savaient bien, qui conduisaient cette pauvre femme à la mort! Car sans l’Esprit de Dieu et l’amour du Christ, la loi peut être mortelle; combien de communautés évangéliques, emmurées dans leurs conceptions immuables, se meurent à force d’étouffer par la lettre la vie de l’Esprit! On y interprète la Parole de Dieu à la seule lumière des principes établis, exaltant certains passages alors que d’autres sont volontairement ignorés. Pouvons-nous imaginer l’influence d’un tel enseignement sur des croyants qui le subissent depuis une ou plusieurs générations? Les voilà persuadés de l’excellence de leur "système" au détriment de tout autre… c’est qu’ils ont oublié qu’on ne peut emprisonner le Saint-Esprit, ni s’en accaparer au seul profit d’une chapelle particulière. Les voilà donc liés par la tradition aux dépens de la Vie.

Alors nous leur demandons, à ces frères malgré tout désireux de briser leurs entraves spirituelles: tes-vous prêts à délaisser la tradition pour vivre la vie de l’Esprit? À suivre le Seigneur comme Il veut, où Il veut et quand Il veut? Si maintenant, vous pouvez dire: "Avec Toi, Seigneur, dès aujourd’hui, où Tu voudras et comme Tu voudras", Dieu rompra votre lien et vous permettra, là encore, de marcher dans "ces œuvres qu’Il a préparées à l’avance" pour vous.
 

Le Lien de la propre justice
Il reste enfin un troisième lien à trancher, et non moins subtil que le précédent: c’est celui de la propre justice.

Lorsque le Seigneur arrête Saul sur le chemin de Damas, Il a affaire au digne représentant de la caste pharisaïque, fier de ce qu’il est, de ce qu’il croit, de ce qu’il fait. Et zélé pour Dieu, le jeune Saul! Certes d’une étrange manière mais qui, dans son optique et celle de son milieu ne peut être que la bonne: les pharisiens n’ont-ils pas toujours défendu la pure tradition juive? Or Saul est pharisien. Ne sont-ils pas des observateurs scrupuleux de la loi? Saul est à cet égard sans reproche. Son origine, sa vertu le hissent au sommet de la pyramide sociale… de quoi chatouiller tant soit peu sa vanité, non?

Sans comparaison possible avec sa secte et les tristes desseins qu’elle poursuivait, bien des chrétiens pourraient cependant se reconnaître dans le jeune Saul de Tarse… On se targue d’appartenir à telle ou telle communauté reconnue pour ses principes sévères et vertueux, on s’y plaît parce qu’elle répond à certains critères intellectuels de son goût, on y retrouve la société de son choix et des amitiés exclusives… On s’enorgueillit sans le dire de l’enseignement considérable qu’on y reçoit… Et l’on finit par croire que sa communauté est la seule qui soit restée fidèle à l’Évangile! Elle est le lieu choisi de Dieu pour y faire habiter la vérité, à l’exclusion de tout autre! Et lorsqu’on est parvenu à cette conviction-là, lorsqu’on ne peut plus voir le Seigneur autrement qu’à travers les lunettes de sa communauté, qu’est-ce à dire sinon qu’Il n’occupe plus la première place et qu’on Lui impose, consciemment ou non, celle de son choix? Et l’on en tirerait encore vanité! Voilà le lien du propre juste: satisfaction de soi, de ses principes, de son milieu ecclésiastique.

Que pourrait-il apprendre qu’il ne connaisse déjà à sa manière? L’Écriture dans sa plénitude? "Ah! dit l’un, j’en sais tout ce que disent les Pères. – Moi, dit un autre, je suis barthien, donc savamment renseigné… Comment, avance un troisième, vous n’avez pas lu Bultmann?" Et le Seigneur? quelle place Lui laissez-vous parmi les théologiens de votre choix et les définitions de vos principes? Lui qui est la Vérité, pourquoi ne Le laissez-vous pas remettre la vôtre en question? Mais vous ne le pouvez pas, car vous dites: "J’ai raison". Ne savez-vous pas que seul le Seigneur a raison? Saul de Tarse l’a bien compris, lui, le vertueux propre juste qu’Il terrasse sur le chemin de Damas. Ah! mes amis, quel terrible lien que celui de la propre justice s’il faut que Dieu intervienne dans ma vie comme sur le chemin de Damas!
 

Le besoin d’un équipement spirituel
Il est des croyants qui devront passer ce chemin-là… qui, pendant vingt, trente ou cinquante ans se sont ancrés cette idée dans la tête qu’ils ont raison parce qu’on n’a cessé de le leur répéter. À ces frères, nous voudrions ici parler d’une expérience authentique vécue avec des jeunes, délivrés de la drogue.

Ils ne savaient rien, mais rien de la Bible. À douze ans, une fois leur catéchisme terminé, ils s’étaient dépêchés de tout oublier. Les voilà qui redécouvrent le Saint Livre et se convertissent. Nous leur disons: – Maintenant que vous êtes chrétiens, il vous faut un équipement spirituel, le baptême du Saint-Esprit. Vous connaissez la merveilleuse histoire de la Pentecôte? Oui. Vous y croyez? Bien sûr. Nous croyons tout ce qui est écrit dans la Bible. Pensez-vous que l’expérience de la Pentecôte puisse se renouveler? Absolument. Le voulez-vous? Nous le voulons. Puisque c’est ainsi, nous allons prier pour vous… Et le Seigneur les baptise là. Aussi simple que cela. Pourquoi? Parce que ces jeunes ne sont plus liés par le péché: ils s’en sont humiliés devant Dieu et plus jamais ils ne veulent retomber dans leur état précédent. Ils ne connaissent pas le lien de la tradition et de système, ils n’en veulent point. Alors le Seigneur peut agir et Il leur accorde sur-le-champ ses grâces merveilleuses.

Alors je demande ici, à mes frères encore liés dans la puissance d’un système dont ils se sont prévalus peut-être inconsciemment: Voulez-vous que le Saint-Esprit vous délivre maintenant, qu’il vous transforme et vous forme au service du Maître? Souvenez-vous de Paul qui, devant Ananias, sent lorsqu’on lui impose les mains, "comme des écailles lui tombant des yeux". Il faut que tombent ces écailles qui voilent encore à votre regard la plénitude de la gloire et de la grâce de Christ, et les riches bénédictions qu’Il a en réserve pour vous. Si vous le désirez, Lui, de tout votre cœur, c’est-à-dire plus que les traditions qui alourdissent votre marche, plus que le système qui vous entrave, approchez-vous avec l’humilité de David et dites au Seigneur: "Je te demande pardon pour tel péché, je te confesse telle faute et je veux en être délivré maintenant. Je crois à ta Parole, à ta Parole seule et entière. J’ai besoin d’un équipement spirituel: le baptême du Saint-Esprit que tu vas m’accorder, Seigneur, selon ta promesse."

Le Seigneur agira. Il l’a promis: "demandez et vous recevrez." Croyez en toute confiance et qu’il vous soit fait selon votre foi.