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263 | Octobre 2012

Les dîmes et les offrandes

Introduction
Depuis les origines de l’humanité, les hommes ont élevé des autels ou choisis des lieux sacrés pour offrir des offrandes, des animaux, voire des vies humaines à leurs dieux. Aujourd’hui encore, ces marques de dévotions sont présentes dans toutes les religions et chaque semaine ce sont des milliards d’hommes et de femmes qui offrent une part de leurs ressources en signe de dévotion. Avec ces nombreuses expressions, il est évident que la question des offrandes touche à un aspect important de la vie du croyant..

L’offrande selon la Bible
Dans la Bible, le premier texte qui parle des offrandes est la célèbre histoire de Caïn et d’Abel (Genèse 4). Dans ce récit, les deux fils d’Adam et Ève font une offrande à Dieu. L’offrande d’Abel est accueillie favorablement par Dieu, mais ce n’est pas le cas de celle de Caïn. Celui-ci, profondément déçu de ne pas avoir la bénédiction, va s’irriter et jalouser son frère et le tuer. Quelle différence! L’offrande peut être l’expression d’un cœur juste et agréable à Dieu ou alors au contraire une démarche profondément égocentrique qui vise à obtenir des privilèges en influençant le monde spirituel. Ce marchandage païen, qui est la raison de commerce de la plupart des religions, touche malheureusement souvent le christianisme. Avec cette dérive, des prédicateurs promettent richesses, guérisons et bénédictions par les offrandes. Avec cette conception de l’offrande, Dieu est présenté comme un Dieu païen qui distribue automatiquement ses bénédictions en échange de biens matériels. Cette vision n’est pas compatible avec le Dieu qui s’est abaissé jusqu’à la mort sur la croix pour donner ses richesses aux hommes. Ainsi, comme pour Abel ou Caïn, notre manière de vivre l’offrande est fondamentale, car elle dévoile notre cœur1.

L’exemple biblique le plus marquant de cette mise à l’épreuve du cœur est l’épisode dans lequel Abraham est invité à offrir son fils en sacrifice
2. Avec cette terrible exigence Dieu demande bien plus que de l’argent, car ce fils est ce qu’il a de plus précieux. Malgré tout, Abraham a confiance et sait que sa vie et celle de son fils sont dans la main de Dieu. Il monte donc vers l’autel en s’attendant à ce que Dieu pourvoie. Cette obéissance sera une magnifique démonstration de sa confiance. Avec le recul, on peut remarquer que cette offrande aura une très grande portée spirituelle; c’est sur cette même colline que Dieu offrira son fils bien-aimé en sacrifice pour le monde. C’est pourquoi, à l’exemple d’Abraham, l’offrande juste ne sert pas à faire «plier Dieu», mais à manifester notre réel attachement à lui. Dans cette relation, l’offrande est une occasion de mettre Dieu au centre et de lui dire: je te donne une part de ce que tu me donnes, car je sais que tu es bon et généreux; ma vie, mes biens, mes richesses, mes relations, mon temps, toutes ces choses viennent de toi et je peux te les offrir en retour.

Cette offrande d’adoration se retrouve dans les attitudes de Jacob
3, Job, Moïse, David et de tous les hommes et femmes de foi. Ces exemples qui traversent le temps nous entraînent à parler de la manière de vivre l’offrande dans l’église.

Les offrandes dans le Nouveau Testament
Dans le cadre de mes voyages dans plusieurs pays, j’ai eu l’occasion de découvrir que certains prédicateurs sont particulièrement zélés quand il s’agit de parler de la dîme. Face à cette passion (intéressée), il est souvent très difficile de rappeler qu’il n’y a aucun texte dans le Nouveau Testament qui ordonne aux chrétiens de donner la dîme!
Dans les évangiles, les seules paroles de Jésus sur la dîme sont lorsqu’il dénonce les dérives d’un légalisme sans miséricorde
4. Par ailleurs, dans les écrits de Pierre, Jean, Paul, etc. on ne trouve aucune mention qui montre que cette obligation s’applique aux chrétiens. Cela est bien étrange, car ces mêmes apôtres nous ont transmis de très nombreux conseils sur ce qu’il est bon de faire. Pourquoi donc ne parlent-ils pas de la question des dîmes si chère à certains prédicateurs?

La réponse est pourtant limpide; les ordonnances qui concernent les dîmes font partie des 613 commandements que l’on dénombre dans la Thora6 et que devaient observer les Juifs
6. Toutes ces règles de l’Ancienne Alliance visaient à limiter le mal et encadrer la vie des croyants. Mais comme le souligne Paul dans ses écrits, les commandements mettent l’homme en face de son péché sans toutefois pouvoir le sauver; la loi appelle la grâce, elle est comme un canal creusé péniblement dans la pierre afin d’amener l’eau dans une région desséchée7. Ce fleuve de vie, Dieu l’a fait venir par Jésus-Christ et les premiers chrétiens (qui étaient des juifs) vont découvrir avec surprise que les lois rigides sont dépassées, car c’est par son Esprit que Dieu habite et conduit le cœur des hommes. Cette prise de conscience cruciale va conduire les apôtres à ne pas imposer les commandements de Moïse aux nouvelles communautés chrétiennes8.
C’est pourquoi, vouloir imposer des lois comme celle des dîmes, c’est revenir à l’Ancienne Alliance qui impose aussi de se faire circoncire, de sacrifier des animaux sur un autel, etc. Alors, si les commandements de la dîme n’ont plus présents dans le Nouveau Testament, quelles parts ont les offrandes?


Vivre l’offrande selon l’Esprit
Avec la venue du Christ, les exigences anciennes de la loi ne sont pas abolies, elles sont transfigurées. C’est pourquoi, dans les Actes, la venue de l’Esprit s’accompagne d’une nouvelle compréhension des valeurs du Royaume de Dieu qui libère les cœurs de la cupidité. Avec cette révélation, les richesses sont détrônées et réduites à des possessions éphémères qui vont disparaître dans la destruction et la mort. Maisons, richesses, corps, compétences toutes ces choses de poussière ne sont utiles que dans la mesure ou elles servent à aimer Dieu et les autres. Cette nouvelle échelle des valeurs transfigure l’ancienne et bonne pratique de la dîme en entraînant les chrétiens à vivre une générosité rayonnante pour annoncer l’Évangile et prendre en charge les veuves et les malheureux9.

Cet impact bénéfique de l’Évangile sur la gestion des richesses a une place centrale dans l’église de Jérusalem. Il n’est plus question de donner scrupuleusement 10%, mais de se donner tout entier à la vocation de Christ. Cette passion joyeuse conduit les chrétiens à vendre leurs biens et à partager ce qu’ils ont avec les démunis. Notons que tous sont impliqués et que même les apôtres servent aux tables et assistent les veuves! Dans l’Église, ce mandat de prendre soin des nécessiteux sera si fort, qu’il sera l’une des seules règles qui seront imposées par les apôtres aux nouvelles églises.


«Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu bien soin de faire». Galates 2.10

Dans le Nouveau Testament, cette recommandation a de nombreux échos et beaucoup de textes des évangiles et des épîtres invitent les chrétiens à bien gérer leurs biens avec sagesse et en visant le Royaume de Dieu
10.

L’exercice de la libéralité
Comme nous l’avons vu dans ce rapide résumé, l’œuvre de Christ conduit à une révolution des pensées dans laquelle l’offrande n’est plus une loi imposée, mais une générosité inspirée dans les cœurs par le Saint-Esprit. Avec ce changement, l’offrande devient la manifestation d’une liberté éclairée, c’est pourquoi les apôtres vont établir la règle selon laquelle c’est à chacun de définir joyeusement la part qu’il veut et peut donner:

«Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte; car Dieu aime celui qui donne avec joie.» 2 Corinthiens 9.711

Cette attitude, qui consiste à participer avec joie à l’œuvre de Dieu, fait écho aux paroles de Jésus qui invitent à vendre pour donner ou à utiliser les richesses injustes de ce monde pour qu’elles soient utiles dans le Royaume de Dieu12

Cet appel à transformer les richesses en amour s’applique à nos ressources personnelles et communautaires. Ainsi, les finances, bâtiments et infrastructures de l’Église ne sont pas des buts, mais des outils éphémères qui doivent servir à manifester la présence et l’amour du Christ dans ce monde. C’est pourquoi, et alors que la cupidité place les richesses au centre, il faut rappeler avec force que la vraie richesse de l’Église ce sont les vies nouvelles qui s’édifient afin de former le corps du Seigneur.

C’est pour contribuer à cette céleste construction que nous sommes invités à offrir notre vie en donnant avec joie notre temps, nos compétences et nos richesses.
Pratiquement, cette consécration peut s’exprimer directement par l’hospitalité, les aides auprès des nécessiteux, les services ou l’exercice d’un ministère (à temps partiels ou à plein temps). Cette consécration peut aussi se faire indirectement en consacrant une part de nos revenus pour soutenir la mission de l’église. Dans ce cas, l’argent devient un moyen de transférer une part de nos compétences et de notre temps de travail dans l’œuvre de Dieu. Cela n’est malheureusement pas toujours bien compris et beaucoup de pasteurs, de missionnaires et d’évangélistes oublient que les fruits qu’ils portent (avec fierté) appartiennent aussi à ceux qui les soutiennent matériellement (et qui prient pour eux).

Cette implication entre le donateur et l’œuvre doit être valorisée et présentée comme une responsabilité. Ainsi, ceux qui donnent leurs biens ne doivent pas le faire pour se donner une bonne conscience, mais pour accomplir la volonté de Dieu. C’est pourquoi ils doivent chercher ce qu’il est juste et honorable de soutenir.
­- Est-ce que le feu brûle dans mon cœur pour ce projet?
­- Quelle est la part que je désire donner avec joie pour accomplir ma part dans l’œuvre?
­- Est-ce que mes dons serviront à apporter le salut, la guérison et la vie?

Ces questions sont nécessaires, car il est souvent triste de réaliser que beaucoup de dons sont absorbés pour des futilités et ne servent pas le Royaume de Dieu. Par exemple, dans certaines villes, les rues abritent de nombreuses «églises», car les chrétiens sont accaparés par le désir de se construire des temples. Cette ambition, absolument pas prioritaire,14 absorbe toutes les offrandes qui servent à payer des briques, les sièges, la sonorisation, le concierge… Pendant ce temps, les démunis de ces mêmes quartiers ne reçoivent pas d’aide ou de réelles démonstrations de l’amour de Dieu. Est-ce vraiment cela l’Église désirée par Dieu? À la place de faire tourner des «machines ecclésiastiques», les offrandes ne doivent-elles pas plutôt servir à faire rayonner l’Évangile vers ceux qui sont perdus? Évangéliser, accueillir, offrir des repas à des veuves et à des orphelins, visiter les malheureux et les prisonniers, prier pour les malades dans les rues, comme le faisaient Jésus et les apôtres, tout cela n’apporterait-il pas un signe bien plus fort du Royaume de Dieu?
Là encore, la question est de savoir si nous gérons les ressources qui nous sont données selon l’appel de l’Esprit ou s’ils servent nos désirs charnels et païens. Les premiers chrétiens avaient compris que Christ est le Temple de l’Église et que le rayonnement de l’Église se réalise dans l’accomplissement de l’onction du Christ annoncé dans Luc 4. Annoncer la Bonne Nouvelle, guérir, libérer, ouvrir les yeux et apporter la grâce sont les axes de l’onction donnée à l’Église, c’est donc dans ces objectifs que nous pouvons investir joyeusement nos offrandes pour participer à l’œuvre éternelle de Dieu. Alors oui, sortons des carcans du légalisme ou de la cupidité avare. Offrons avec joie notre vie et nos biens, soyons généreux en gardant à l’esprit que ce monde de poussière périra. Mais l’amour et le Royaume de Dieu sont des richesses éternelles!



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NOTES

1 : Certains responsables de communautés considèrent qu’ils sont en droit d’exiger le soutien financier de leur église… Cela les conduit à mettre la pression en culpabilisant l’assemblée, voire jusqu’à dire « donnez-moi votre argent et vous serez bénis ». La Bible est pourtant claire, ceux qui désirent l’argent ne sont pas habités par les sentiments de Christ, mais par ceux de Judas. Cet homme volait les offrandes (Jean 12.4) et son idolâtrie des richesses permettra au Diable de l’asservir. Il finira par vendre le Christ pour quelques pièces ! Ce terrible exemple nous rappelle que la convoitise qui vise à utiliser le ministère pour s’enrichir est un très grand danger. Voir aussi 2 Rois 5.20-27

2 : Genèse 22.1-18.

3 : Genèse 28.22 « (...) je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras. » Ces paroles montrent que Jacob reconnaît qu’il reçoit tout de Dieu, la part qu’il donne n’est pas un échange, mais un signe de reconnaissance et de louange.

4 : Matthieu 23.23, Luc 11.42.

5 : La Torah ou le Pentateuque sont les cinq premiers livres de la Bible.

6 : Dans l’Ancien Testament, les prêtres étaient aussi en charge de la justice et de fonctions publiques. La dîme était donc aussi une forme d’impôt qui servait à soutenir l’État.

7 : Romains 8.1-17.

8 : Voir Actes 11.1-18, Acte 15.5-31. Les épîtres aux Romains et aux Galates parlent abondamment du danger à retourner à des lois anciennes. Paul ira jusqu’à reprendre publiquement l’apôtre Pierre qui était tenté de revenir au judaïsme (Galates 2.11).

9 : Acte 4.32-34 « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un coeur et qu’une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout était commun entre eux. Les apôtres rendaient avec beaucoup de force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous. Car il n’y avait parmi eux aucun indigent : tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de ce qu’ils avaient vendu. »

10 : Matthieu 13.22, Marc 10.23-25, Luc 6.24, 12.16-21 (le riche insensé), 16.1-11 (le gérant avisé), 16.19-31 (l’homme riche et Lazare), 18.18-30 (le jeune homme riche), 1 Timothée 6.17-19, Jacques 1.10-11, 2.14-17, 5.1-6, Hébreux 11.26, Apocalypse 3.17-18, 18.16.

11 : Voir aussi : Romain 12.8, 1 Corinthien 16.2, 1 Timothée 6.17. Lors du tragique exemple d’Ananias et de Saphira dans Actes 5, Pierre souligne que ce couple était totalement libre de gérer leurs biens. Leur faute a été de mentir en faisant croire qu’ils avaient tout donné.