Le Lien des cellules de prière

273 | Avril 2015

Le sentiment communautaire chez les musulmans

Les milieux musulmans peuvent nous paraître fermés, cependant il existe des clés pour y accéder. L'une des plus importantes est de comprendre l'importance de la communauté à leurs yeux.

Individualisme ou communauté
C'est à ce niveau que se situe, notamment pour des Occidentaux, l'une des principales difficultés culturelles dans la compréhension des musulmans. C'est que l'immense majorité d'entre eux n'ont pas été éduqués dans une culture individualiste comme en Europe ou en Amérique. L'individualisme est une déviance de la conscience identitaire personnelle qui, elle, vient de Jésus- Christ. L'identité personnelle nous vient de la relation personnelle avec le Père céleste qui nous parle. Quand cette relation disparaît, il ne reste que l'individu, c'est-à-dire quelqu'un qui se perçoit comme le centre de toutes ses décisions et de tous ses choix sans trop d'égards pour le reste du monde. C'est la forme pervertie du personnalisme communautaire chrétien, lequel insiste avec raison sur la responsabilité personnelle ! Or, les musulmans partagent avec d'autres cultures traditionnelles d'Asie, d'Afrique et d'ailleurs un fort sens d'appartenir à une communauté clanique ou tribale ou nationale en dehors de laquelle l'individu n'est plus grand-chose et la responsabilité se trouve dissoute dans le groupe (sauf si on le quitte !)

La Oumma
En Islam cela est encore accentué par le sentiment d'appartenance internationale à ce qu'ils appellent la Oumma : la conscience d'appartenir au monde de l'Islam, malgré les profondes divisions qu'il y a entre leurs différentes factions. L'appartenance à cette communauté de tradition n'est pas un choix personnel comme nous le concevons, c'est par naissance. Et s'éloigner d'une telle tradition est ressenti comme un mépris, un rejet de cette communauté. Toute sortie, par exemple pour adhérer « au christianisme » ou à une église chrétienne, produit presque toujours une coupure grave. C'est l'apostasie, à leurs yeux une source de malédiction ! Chez les Arabes, ce sentiment est encore plus marqué, même si la globalisation actuelle et le mélange propre à la modernité tendent à affaiblir un peu ce sentiment… mais parfois aussi à le renforcer ! Ainsi donc, la conversion d'un membre du clan produit chez les autres un sentiment de déshonneur et de trahison. Il y a dans la culture islamique peu de choses pires que la honte publique ! Il ne faut surtout pas entacher la communauté d'origine. Cela explique pourquoi les musulmans conservateurs rejettent ceux des leurs qui s'éloignent de la tradition islamique de leur milieu. Ce rejet peut aller jusqu'au meurtre ; en ce cas, c'est à leurs yeux une réparation de l'honneur (il en va de même pour les lapidations d'adultères). En rejetant ou en mettant à mort le « coupable », le clan, ou même dans certains cas la nation, lave dans le sang la réputation et le déshonneur portés sur la communauté ! Si nous désirons présenter Jésus-Christ aux musulmans, nous devons tenir compte de ce sentiment communautaire puissant.

Ne pas confondre foi et système religieux
Il vaut la peine de faire comprendre au nouveau disciple de Jésus-Christ que sa conversion ne l'oblige pas à rompre avec les éléments de sa culture et ses proches, sauf ceux qui sont en contradiction avec sa nouvelle foi. Sinon il coupe toute chance d'être un témoin dans son milieu. La confiance qu'il place dans le Dieu de Jésus-Christ pour le suivre lui vaut d'être admis pleinement dans le Royaume de Dieu comme enfant de Dieu, et cela gratuitement ! Cette entrée dans l'Alliance divine ne se confond pas avec une adhésion à un autre système religieux. L'apôtre Pierre a bien compris que des gens comme Corneille et sa famille (Actes 10. 44-48) qui étaient italiens, pouvaient être baptisés directement sur la base de leur foi et de quelques évidences de l'Esprit Saint entrant dans leur vie. Ces Romains n'avaient besoin de rien d'autre, en tout cas pas dans un premier temps. L'apôtre Paul a poussé plus loin encore cette logique spirituelle en s'opposant à certains de ses coreligionnaires juifs qui voulaient que les païens convertis se fassent circoncire et observent les prescriptions rituelles du judaïsme pour être baptisés et entrer dans l'Eglise du Christ. Non, dit Paul. En s'appuyant sur l'exemple d'Abraham et de l'échec du régime ancien de la Loi en Israël, « ils sont justifiés par leur foi en Jésus- Christ qui a tout accompli pour offrir le salut gratuit à tous les humains » (cf. Galates ch. 3). Et Pierre d'ajouter : « Ne leur imposons pas un joug que ni nous ni nos pères n'ont pu porter » (Actes 15.10). Les nouveaux disciples n'avaient pas besoin de devenir juifs avant de devenir chrétiens, citoyens du Royaume messianique, membres de la Famille de Dieu ! Les musulmans n'ont pas besoin de devenir « occidentaux » pour devenir disciples de Jésus, enfants de Dieu.

Rejoindre les musulmans autant que possible dans leurs cultures
Puisque la Oumma, la solidarité communautaire, est pour les musulmans tellement importante, il est hautement souhaitable qu'en rencontrant des chrétiens, ce ne soit pas juste des individus qu'ils rencontrent, ni des églises froides où chacun vit pour lui-même et ses petits copains ! Il importe qu'ils trouvent parmi nous un équivalent de la Oumma. Il importe que nous vivions la découverte de la foi évangélique avec eux dans un climat corporatif, celui du Corps de Christ, y compris l'hospitalité et la solidarité fréquentes dans le milieu musulman. Ainsi, ne seront-ils pas dépaysés ! À cet égard, les communautés africaines devraient avoir plus de facilité parce qu'elles ont gardé une dimension communautaire plus forte que les communautés de culture occidentale qui ont souvent confondu, au 20e siècle, la liberté avec le Moi individuel sur le trône ! L'idéal serait donc d'approcher les musulmans dans leurs maisons, dans leur cadre familial. Quand un vrai climat amical est établi, on peut raconter des témoignages vécus et des histoires de la Bible ; la plupart s'expriment plus par des histoires que par des raisonnements ! Les paraboles et les récits de miracles conviennent bien. En outre, puisque leur culture est familiarisée avec la notion de sacrifice (contrairement à la nôtre), nous pouvons leur montrer la progression des étapes d'alliances qui forment un fil rouge de la révélation biblique. D'Adam à Jésus, en passant par Caïn et Abel, Noé, Abraham, Moïse, toutes ces étapes comportent des sacrifices qui devaient conduire à saisir pourquoi Jésus a dû mourir en sacrifice sur la croix, ce que les Ecrits de l'Islam récusent. Ils peuvent comprendre que Jésus est unique en ce qu'il nous ouvre une Alliance complète et définitive avec Dieu. Nous pouvons même les encourager à raconter à d'autres les histoires qu'ils entendent de nous, venant d'eux, il y a des chances que l'impact sera bien plus grand. Dans cette évolution progressive, ne nous pressons donc pas de les détacher de leur milieu et mettons plutôt notre confiance dans le travail que le Saint-Esprit va faire pour transformer leur coeur et leur pensée plutôt que de prendre sa place et de les faire entrer dans des carcans culturels que nous tenons pour chrétiens alors qu'ils sont en réalité souvent des héritages ancestraux ou nationaux à la sauce chrétienne. Ôtons tous les obstacles inutiles sur le chemin de leur union au Seigneur Jésus pour ne garder que « l'obstacle nécessaire » du scandale de Jésus-Christ crucifié et ressuscité : en réalité il n'est pas un obstacle, il est la puissance de Dieu ! (1 Corinthiens 1.21-2.5).