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254 | Juillet 2010

Le besoin d’une politique éclairée

L’article qui suit provient d’un livre à paraître prochainement sous le titre « Élections en Francophonie » de Philippe Joret. Ses qualités de visionnaire et de mobilisateur pour la cause du Royaume de Dieu l’ont largement fait connaître dans les pays francophones. Cet extrait donne un éclairage biblique et spirituel sur la différence entre l’exercice du pouvoir politique tel qu’il s’exprime lorsqu’il est corrompu et la responsabilité politique dans l’optique de service et d’autorité tels que Dieu les a conçus. Il est bon que les chrétiens engagés à la base deviennent davantage conscients de cet aspect du service chrétien ayant un apparentement avec la fonction de dirigeant.

Il faut reconnaître la difficulté que représente l’exercice du pouvoir. Souvent animés du désir de servir leur pays, ayant une vision et un projet pour développer la société dans laquelle ils vivent, les politiques finissent par être piégés par le goût du pouvoir. L’intention politique est souvent « l’art de bien conduire la cité pour garantir le bien-être de tous les citoyens », selon la vision de Platon. Dans les faits, elle devient souvent la gestion, à visage civilisé, de l’instinct de domination ou de la soif du pouvoir caché en chacun de nous. Ici, les chrétiens ne sont pas épargnés et nos dénominations le démontrent. Pourtant, il faut bien que des personnes s’engagent dans ce mandat de la gestion de la cité. La direction politique est un don de Dieu, un mandat sur lequel le Seigneur est souverain.

Les fondations bibliques
Dieu a créé l’humain avec un mandat de conduire et gouverner. Cela fait partie de notre constitution et de notre vocation d’origine. L’humain est gestionnaire et serviteur. Il est ainsi intentionnellement fait pour exercer un rôle de conducteur :

« À l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. Dieu les bénit en disant : soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, rendez-vous-en maîtres, et dominez. » Genèse 1.28

« L’éternel Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder. » Genèse 2.15

« Qu’est-ce que l’homme, pour que tu en prennes soin, et qu'est-ce qu’un être humain pour qu’à lui tu t’intéresses ? Pourtant, tu l’as fait de peu inférieur à Dieu, tu l’as couronné d’honneur et de gloire. Tu lui donnes de régner sur les oeuvres de tes mains. Tu as tout mis sous ses pieds… » Psaume 8. 4 à 6

Dès la création, Dieu montre qu’il crée l’humain avec une dimension de direction, ainsi, les hommes doivent diriger et se rendre maîtres de la terre « dominez » puis gérer cultivez et gardez.. Bien entendu, nous ne sommes pas appelés à prendre le pouvoir en tout et sur tous ; ce serait une dictature.


Quelle gouvernance après la chute et la corruption du pouvoir ?
Certains reconnaissent qu’Adam était destiné à être un conducteur, mais disent qu’après la chute, le pouvoir est corrompu. Ainsi, les personnes qui marchent avec Dieu seraient les gens sans pouvoir. « Dieu est du côté des opprimés, car le pouvoir a été corrompu par la chute de Lucifer et celle d’Adam. Regardez comment le pouvoir a corrompu l’humanité. »

L’intention de Dieu aurait-elle changé ? Ce que Dieu a voulu avec Adam, il l’a répété avec une grande quantité de gens dans les Écritures et l’Histoire de l’Église. Citons Adam, Noé, Abraham, Jacob, Joseph, Moïse, Josué, Gédéon, David, Salomon, Ezéchias, Néhémie, Zorobabel…Pierre, Paul, Jacques, Jean, etc.

Quand Dieu a voulu créer un mouvement dans l’Histoire des hommes, il a toujours cherché des dirigeants.
Les livres des Rois et des Chroniques nous montrent que les dirigeants peuvent orienter toute la vie spirituelle du pays. Quand un roi décidait de s’éloigner de Dieu, le pays suivait. « Lorsque Roboam se fut affermi dans son royaume et qu’il eut acquis de la force, il abandonna la loi de l’Éternel, et tout Israël l’abandonna avec lui » (2 Chroniques 12:1).

Quand les rois marchaient avec Dieu, ils réformaient les lois selon la justice et les mœurs changeaient. L’épisode du roi Josias nous montre cette réalité. La conversion du roi Josias a entraîné un engagement de tout le peuple d’Israël derrière lui, une restauration du pays et des réformes indispensables.
« Le roi se tenait sur son estrade, et il traita alliance devant l’Éternel, s’engageant à suivre l’Éternel, et à observer ses ordonnances, ses préceptes et ses lois, de tout son cœur et de toute son âme, afin de mettre en pratique les paroles de l’alliance écrites dans ce livre. Et il fit entrer dans l’alliance tous ceux qui se trouvaient à Jérusalem ; et les habitants de Jérusalem agirent selon l’alliance de Dieu, du Dieu de leurs pères. Pendant toute sa vie, ils ne se détournèrent point de l’Éternel, le Dieu de leurs pères » 2 Chroniques 34:31-33.

Combien est grande l’influence des dirigeants sur un peuple ! Ce n’est pas parce qu’il y a eu de mauvais dirigeants qu’il faudrait annuler l’intention de Dieu, qui est d’agir en collaboration avec des humains. Dans toute l’Histoire, quand Dieu a eu besoin de quelqu’un pour initier, organiser et porter un projet important, il a appelé les hommes à être des leaders.


La rédemption du pouvoir
Oui, la capacité d’exercer un pouvoir a été entachée par le péché. Lucifer a souillé le pouvoir qu’il avait au ciel et Adam a souillé le pouvoir sur terre. Caïn utilise sa force pour tuer ; Lemek, un descendant de Caïn, parle de façon tyrannique. Nimrod veut tout pouvoir pour lui et la violence s’installe sur terre comme une conséquence d’une dépravation du pouvoir.

Les rois méchants de l’Ancien Testament sont la démonstration de l’horreur du pouvoir, ce que confirme l’Histoire de l’humanité et de l’Église. L’orgueil, l’arrogance, le vain prestige, le manque de sensibilité pour les plus petits, la domination cruelle qui écrase l’autre sans le respecter, en sont les manifestations les plus répandues. Face à cela, on a essayé de trouver des moyens humains pour limiter les risques.
Le premier consiste à partager les pouvoirs en créant des contre-pouvoirs comme dans les démocraties.

Le second vise à limiter l’espace temporel du pouvoir. Pour cela on veille à empêcher que celui qui dirige s'installe dans l’habitude et exerce une domination démesurée. Pour cela, le mandat qui lui est confié est limité dans le temps. Ces mesures sont précieuses et partent d’une bonne intention, mais dans les faits, elles suscitent parfois encore davantage de lutte de pouvoir et ne tiennent pas compte des dons spécifiques de chacun.


La solution de Dieu à la nature du pouvoir souillé :
Jésus s’est soumis aux pouvoirs de toute nature, pour racheter la nature du pouvoir.Tom Marshall, dans son livre « Savoir diriger », rappelle que Jésus s’est soumis aux pouvoirs :

- Militaire : il obéit aux lois imposées par les armées romaines occupant le pays.
- Civil : à Pilate Jésus dit :
« tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en Haut. » Jean 19.11
- Familial :
« il leur était soumis. » Luc.2.52
- Religieux : Jésus a reconnu le pouvoir religieux du sanhédrin, en demandant souvent aux malades de faire constater la guérison par les sacrificateurs.
- Économique : il a payé les taxes injustes sur le peuple ; il a même vu le pouvoir satanique sur les foules en colère remplies de haine et de meurtre et il s’est rendu.


À la croix, il se livre aux pouvoirs des ténèbres ligués contre lui (Luc 22.53). C’est là qu’il peut les dépouiller ; Colossiens 2.15 n1. Jésus s’est soumis aux pouvoirs de toute nature et, par son sacrifice, rachète la nature du pouvoir.

L’obéissance parfaite de Jésus à la croix rachète la nature du pouvoir même !
« Tout pouvoir m’a été donné, dans le ciel et sur la terre ». Matthieu 28.18 voir aussi Philipiens 2.9 à 11. Le sacrifice de Jésus a racheté la nature même du pouvoir. Son ascension manifeste le rachat complet du pouvoir dans le ciel. Il a lavé le ciel de la corruption du pouvoir satanique. Il est entré dans le ciel même. Maintenant Jésus est le dirigeant des dirigeants, le roi des rois !

« Jésus-Christ qui, depuis son ascension, siège à la droite de Dieu, et à qui les anges, les autorités et les pouvoirs sont soumis ». I Pierre 3.21

État d’esprit d’une gouvernance rachetée :
Lorsque l’exercice de l’autorité est rachetée, elle montre d’autres caractéristiques que celles du pouvoir corrompu :

- Une gouvernance tournée vers la volonté du Père agit contrairement à une domination égoïste ou tournée vers les désirs du peuple. Son but est la gloire de Dieu (voir Jean 5.30, Jean 8.50).
- Le juste exercice de l’autorité et du pouvoir est orienté vers le service des autres. L’exercice de la direction va dans le sens de chercher l’intérêt du plus grand nombre, donnant sa vie pour d’autres : « la mort agit en nous ; la vie en vous » 2 Corinthiens 4.12
- Une bonne gouvernance fait grandir les autres et en fait des hommes responsables et capables de gérer. Quelqu’un a dit : « un grand homme est un homme avec qui l’on se voit grandir »


Et les dirigeants politiques ?
Qu’est ce que l’Écriture enseigne sur les dirigeants politiques ? Ont-ils un rôle à jouer dans le projet de Dieu ? Sont-ils au service du plan de Dieu, même quand ils ne marchent pas avec lui ? La Bible est riche d'exemples qui montrent que tout pouvoir vient de Dieu.

Dieu dit à Pharaon que son pouvoir subsiste parce que Dieu le veut.
« Mais, je t’ai laissé subsister, afin que tu voies ma puissance, et que l’on publie mon nom par toute la terre. » Exode 9.15, 16

Il en est de même pour le roi de Babylone :
« Afin que les vivants sachent que le Très-Haut domine sur le règne des hommes, qu’il le donne à qui il lui plaît. » Daniel 4.17 et 32 :

« Jusqu’à ce qu’il reconnaisse que le Dieu suprême domine sur le règne des hommes et qu’il le donne à qui il lui plaît. » Daniel 5.21

« Dieu brise les grands sans information et il en met d’autres à leur place. En se détournant de Lui, en abandonnant ses voies, ils ont fait monter à Dieu le cri du pauvre, ils l’ont rendu attentif au cri des malheureux… afin que l’impie ne domine plus, et qu’il ne soit plus un piège pour le peuple. » Job 34.24-30

Jésus reconnaît le pouvoir politique que Dieu a donné à Pilate :
« Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en haut. » Jean 19.11

Les apôtres enseignent aux chrétiens à reconnaître la marque du trône souverain de Dieu sur les monarques des nations :
« Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.» Romains 13:1
Paul écrit cela à Rome, capitale corrompue d’un Empire tyrannique. Mais il demande aux croyants de reconnaître que l’ordre d’autorité fait partie d’un monde harmonieux. En acceptant cet état d’esprit de soumission, les croyants vont exercer une influence politique qui va transformer la vie de l’Empire. Les mentalités vont changer et les réformes vont suivre.

« Obéissez aux autorités à cause du Seigneur : au roi parce qu’il est le chef de tous, et aussi aux gouverneurs. Le roi les envoie pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. Dieu veut ceci : par vos bonnes actions, fermez la bouche aux gens stupides et ignorants. Conduisez-vous comme des personnes libres, mais votre liberté ne doit pas devenir comme une couverture pour cacher des actes mauvais. Conduisez-vous plutôt comme des serviteurs de Dieu. Ayez du respect pour tout le monde. Aimez vos frères et vos soeurs chrétiens. Honorez Dieu, respectez le roi. » 1 Pierre 2.13-17

Dans ce texte, Pierre emploie le terme ktisis pour le mot « autorités ». Ce mot signifie fondations, créations, institutions. Il montre que les autorités font partie de la fondation d’un monde harmonieux, à l’opposé du chaos. Pour toutes ces raisons, l’Église s’est souvent tenue comme appui des institutions et du pouvoir. Elle a voulu rester garante d’une société sans chaos, mais cela a parfois abouti à une grande complaisance par rapport au pouvoir établi. Par contre, quand elle a su soutenir les autorités tout en défendant les valeurs morales et exerçant un rôle d’orientation des priorités sociales, elle a été une conscience prophétique.


Droits et responsabilités des dirigeants de la nation
Assez tôt dans l’Histoire, les pères de l’Église ont défini les droits et les responsabilités des dirigeants. Cela a été une véritable bénédiction, car l’exercice du pouvoir trouvait un cadre précisant les limites de ses droits. L’Église agissait comme conscience de la nation. Malheureusement, elle va elle-même, peu à peu, succomber aux séductions du pouvoir sans limites et abuser du pouvoir temporel. Ce réel pouvoir de l’Église, ainsi que l’alliance entre le « Trône et l’Autel » finiront par susciter des haines qui seront l’une des causes de révolutions (française et russe, en particulier). Mais avant d’en arriver là, il faut reconnaître que les rois carolingiens ont appliqué les principes de saint Augustin, puis de saint Thomas, définissant leur rôle et leur pouvoir.

Le principe de direction pour le bien commun
« Il est nécessaire qu’il y ait chez les hommes un principe par lequel gouverner la multitude. La multitude serait éparpillée, s’il ne se trouvait quelqu’un qui prenne soin de ce qui regarde le bien de la multitude, de même que le corps de l’homme se désagrégerait s’il n’y avait dans le corps une certaine force directrice commune visant au bien commun de tous ses membres. Ce principe directeur s’appelle l’autorité. Celui qui l’exerce gouverne la multitude d’une cité ou d’une province en vue du bien commun. »

Saint Thomas a ainsi défini l’idéal politique des rois : créer les conditions de salut du plus grand nombre, inspirer des préceptes qui développent la vertu, assurer la paix sociale par l’unité de tous les sujets, pourvoir à la suffisance matérielle.

Procurer une vie bonne, qui prépare à l’éternité.
« L’intention de tout gouvernant doit tendre à procurer le salut de ce qu’il a entrepris de gouverner. Car il appartient au pilote, en protégeant son navire des périls de la mer, de le conduire indemne à bon port. Parce que la fin de la vie que nous menons présentement est la béatitude céleste, il appartient pour cette raison à l’office de roi de procurer à la multitude une vie bonne, selon qu’il convient à l’obtention de la béatitude céleste, c’est-à-dire qu’il doit prescrire ce qui conduit à cette béatitude céleste et interdire, selon qu’il est possible, ce qui lui est contraire. »

S’inspirer de l’Écriture et pourvoir à la paix sociale et nationale
Le dirigeant politique doit s’instruire de la loi de Dieu et s’en inspirer pour y appliquer les lois en son royaume terrestre. Ensuite, il doit veiller à la paix « car la multitude des hommes, privée de l’unité de la paix, est empêchée de bien agir. »

Permettre le développement et la prospérité du plus grand nombre
Enfin, le roi doit pourvoir à la suffisance des biens matériels dont l’usage est nécessaire.
St Thomas s’inspire des principes bibliques :
« Les rois ont horreur de faire le mal, car c’est par la justice que le trône s’affermit. » Proverbes 16:12
« Un roi qui juge fidèlement les pauvres aura son trône affermi pour toujours. » Proverbes 29:14

Conclusion
En dépit des progrès technologiques, sociaux, scientifiques et du foisonnement spirituel, la planète reste dans un état de confusion. Elle reprend des allures de « l’informe et vide ». Mais, alors que je me plaignais des dysfonctionnements des nations francophones, auprès de Stelio Farandjis (secrétaire général du Haut Conseil à la francophonie), il me cita Alain : « Le pessimisme est d’humeur et l’optimisme de volonté ». Ainsi et selon ces paroles, le monde a besoin d’agents de transformation intègres et compétents. Ces hommes et femmes responsables ont le mandat de donner l’exemple et de gérer ce qui leur est confié selon l’Esprit et les valeurs de l’Évangile. Leur crédibilité réside dans leur authenticité et leur capacité à agir pour créer un avenir meilleur. Le travail des chrétiens responsables est de dissiper constamment la confusion ambiante pour voir et faire voir la lumière libératrice. Que la lumière soit !


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Notes:
1: Cet aspect-là est unique et propre à Jésus, grand Prêtre à la manière de Melchisédek. Et cette soumission temporaire de Jésus à l’oppression diabolique n’induit pas que les dirigeants chrétiens doivent se soumettre au pouvoir des ténèbres.

Livres : De Regno - Saint Thomas (éditions Luf) Savoir diriger, dans l’église et la société. Tom Marshall. Éditions JEM.