Le Lien des cellules de prière

252 | Janvier 2010

La prière sur son lieu de travail

« On vous appellera prêtres du Seigneur » (Esaïe 61 : 6)

Le renversement annoncé de tous les systèmes religieux
La femme samaritaine (Jean 4) est sur son lieu de travail. Elle puise de l’eau. C’est là que Jésus la rencontre. Et il lui confie une nouveauté qui bouleversera tous les systèmes religieux : l’adoration que le Dieu vivant et unique recherche ne va plus être confinée dans un temple ou dans des lieux sacrés, que ce soit à Jérusalem en Samarie ou ailleurs dans le monde. En effet le nouveau temple sera le Messie Jésus, « détruit et reconstruit » le troisième jour, et il sera aussi constitué de tous ceux qui seront. unis à lui dans l’Esprit par la foi. Le nouveau temple sera relocalisé dans le ciel en Jésus le Fils unique, et aussi relocalisé sur terre, dans les fils et filles de Dieu nés de nouveau par l’Esprit. Sur terre la présence de Dieu sera mobile et multiple : elle se trouvera là où sont ses enfants.
Aussi le système qui fait l’intermédiaire entre Dieu et les humains est aboli. Les lieux sacrés, les prêtres qui y officient, et les « cultes » en tant que seuls ponts de contact avec le divin seront abolis par la mort et la résurrection de Jésus.

Ainsi tous les enfants de Dieu seront prêtres et prêtresses du Seigneur. Tous le seront par relation avec le nouveau temple relocalisé au ciel, Jésus ressuscité corporellement. Tous le seront sur terre, là où ils vivent, là où ils travaillent, là où ils se rencontrent. Le bâtiment, les prêtres, les offices religieux sont abolis en tant que médiateurs obligés entre Dieu et les hommes. Bien entendu les chrétiens se sont toujours rassemblés régulièrement, mais les lieux importaient peu et la présence de « clergé » n’était plus une condition.

Ainsi les maisons de particuliers sont devenues les lieux privilégiés du vécu et de la multiplication de la foi. La samaritaine croit Jésus. Elle se met en mouvement immédiatement et elle évangélise tout son village. Elle devient ainsi la première missionnaire chrétienne du monde. Elle ne passera ni par un lieu de culte, ni par un « officiel religieux » ni par une rencontre religieuse organisée. Elle franchit ainsi trois barrières religieuses. Mais il y a plus : elle est femme, laïque, et non juive. Du point de vue contextuel de l’époque elle est la moins qualifiée pour ce travail, pire elle en est totalement exclue trois fois. Elle franchit trois murs de séparation : hommes/ femmes, clergé/laïcs et juifs/non juifs. Paul écrira : il n'y a plus ni homme ni femme, ni juif ni grec… (Gal 3.28).


Nouveaux prêtres de Jésus
Ce qui est inauguré prophétiquement dans la rencontre avec la femme samaritaine est une réalité pour tous les croyants dans la nouvelle alliance : tous les enfants de Dieu sont prêtres et prêtresses pour Lui (1 Pi 2.9 ; Apoc 1.5-6 ; Apoc 5.10 ; 20.6). Cette affirmation a été formulée durant la réforme par la doctrine du « sacerdoce universel ».

Chaque chrétien, homme ou femme, est ministre, prêtre et serviteur de Dieu là où il vit et là où il travaille.

Ainsi tout chrétien sur sa place de travail, est ministre au service du Tout-Puissant. Le service de Dieu n’est pas restreint aux réunions d’église ou à la vie de famille. Le règne de Dieu — c’est-à-dire là où sa volonté s’exerce réellement — pénètre tout, y compris la sphère professionnelle. Même si le monde du travail n’obéit de loin pas aux principes du Royaume de Dieu, (dans son atmosphère, ses manières de faire, ses buts) cela ne veut pas dire que Dieu abandonne ce monde au mal, ni que ses enfants qui y travaillent n’y ont pas un rôle particulier à jouer.

Les nouveaux prêtres surmontent le dualisme
Un Royaume qui inclut la place du travail dans sa sphère d’action, s’oppose au dualisme qui s’infiltre si souvent dans l’église. Depuis les Grecs, l’église a été imprégnée de la pensée dualiste, qui s’est structurée de manière systématique dès le siècle des Lumières. Dans les grandes lignes, il s’agit d’une opposition plus ou moins consciente entre le sacré et le profane, entre le spirituel et le matériel, entre ce qui est privé et ce qui relève du domaine public. Peu à peu, Dieu a été écarté de toute sphère publique (le politique, la santé, les sciences la physique la biologie, la psychologie) et bientôt même, ultime rempart, on cherchera à l’éliminer de tout ce qui est spirituel : on aura la science et le marché des spiritualités mais sans Dieu. Ainsi la foi a été cantonnée à la sphère privée et se limite aujourd’hui au mieux, à une intimité personnelle avec Dieu ou à ce 3 qui se passe à l’intérieur des murs des églises.

Et l’Eglise a largement suivi ce chemin, en particulier en se coupant de la vie réelle en dehors de ses murs et en se concentrant sur ses bâtiments, sur son clergé et sur ses rencontres « obligées », bref sur tout ce qui avait été aboli en Jésus, le nouveau temple relocalisé au ciel. Ceci rend évidemment très difficile la valorisation du ministère de chaque chrétien « les six autres jours » quand il travaille ou vit en famille. D’ailleurs rares et maigres sont les pistes données le septième jour dans les lieux de culte pour vivre comme chrétien dans son travail le reste de la semaine.


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Alors dans la mentalité de beaucoup, le séculier et la foi forment des compartiments étanches. Ils forment comme un couple qui ne se parle plus. Chacun vit dans son monde, séparé de l’autre. Alors, qui s’étonne si l’on branche la foi et qu’on débranche la profession dès qu’on entre dans une réunion d’église, et qu’on débranche la foi dès qu’on exerce sa profession ? On ne sait plus faire les deux choses ensemble. Prier et exercer sa profession : pas de rapport.

Or, le prêtre est un homme ou une femme de l’interface ou de la connexion. Dieu l’appelle à être le pont entre les réalités de la foi et celles du travail, entre le sacré et le profane, entre le spirituel et le matériel.


On peut distinguer quatre aspects de cet appel :

1. Vivre dans la présence de Dieu au quotidien

2. Exercer un ministère de bénédiction

3. Créer des ponts entre les réalités terrestres et célestes ­ rôle de médiation

4. Vivre et dire la vérité Nous traiterons ici seulement du premier aspect.


Vivre la présence de Dieu au quotidien

1. Dieu est là
Il est possible de manifester la présence de Dieu dans le cadre de son métier parce qu’Il est là. Pour cela, il faut déjà être convaincu que Dieu est là. Son nom, qui est déjà une promesse est « Emmanuel » : « Je suis là avec toi, dans tout ce que tu vis ». Chaque enfant de Dieu est un prêtre ambulant portant la présence de Dieu en lui. Notre corps est le temple du Saint-Esprit, littéralement la présence de Dieu se relocalise au travers de notre présence corporelle là où on se trouve. Le temple de Dieu est là au travail, c’est notre vie !

2. Le rayon d’action du Seigneur ressuscité
Le travail dans la présence de Dieu implique plusieurs changements de mentalité. En particulier à l’égard de Jésus ressuscité. Posons-nous la question : jusqu’où va le rayon d’action du Ressuscité aujourd’hui ? Uniquement dans l’église rassemblée ? Jésus n’a-t-il autorité que sur l’église ? Sa puissance de résurrection, sa présence et toutes les ressources du ciel ne sont-elles disponibles que sur le lieu de l’église et non sur le lieu du travail ? Pourtant toute autorité a été donnée à Jésus dans le ciel et sur la terre, dans l’invisible et dans le visible. Son autorité nous précède. Elle s’exerce déjà. Le règne du ressuscité peut pénétrer partout, veut pénétrer partout. La prière que Jésus nous enseigne dit « que ton règne vienne », et non pas « que ton église soit bénie ». Ce règne ne vient pas de manière dominante et tyrannique, mais au travers de gens transformés qui sont sel et lumière dans toutes les sphères de la société.

3. Vision trinitaire du travail
Nous devons redécouvrir une vision trinitaire du travail. Travailler est un mandat du Créateur, Dieu le Père (Gen 2.15). Et pour que nous puissions l’accomplir le Père nous délègue une part de son autorité royale sur la terre (Gen 1.28). Jésus est Seigneur et son rayon d’action s’étend au monde du travail, au travers de nous. Et alors, quelle est la place du Saint-Esprit ? A-t-il quelque chose à voir avec nos métiers et nos compétences acquises au travers d’études difficiles, de gestes répétés, d’erreurs et d’échecs parfois ?

La réponse est mille fois oui ! De deux manières, par le fruit de l’Esprit et par les dons qui viennent de Dieu.

1. Le royaume Dieu se rend visible quand le caractère de Dieu est démontré par la vie de ses serviteurs. Or le caractère de Jésus, à l’image du Père, est formé en nous par le Saint Esprit et se nomme « fruit de l’Esprit » (Gal 5.22). Nos collègues de travail peuventils goûter au fruit que nous portons sur le lieu du travail ? Peuvent-ils expérimenter en notre présence quelque chose de l’amour, de la joie, de la paix qui viennent du ciel ? Mettonsnous une priorité à devenir des disciples de Jésus sur le lieu du travail ? Avons-nous, comme il arrive à certains, à vivre deux conversions ? La première à Jésus dans la vie intérieure privée, la deuxième à Jésus dans la vie publique ?

2. En ce qui concerne les dons qui viennent de Dieu, ceux qui sont nommés dans la Bible sont à la fois naturels ou plus directement attribués au St-Esprit. Ils sont mentionnés dans le contexte de la communauté rassemblée. L’église a redécouvert ces dernières décennies la diversité des dons spirituels (1 Cor 12, Rom 12 Eph 4), mais toujours dans le cadre limité des réunions d’église ou entre chrétiens. Et l’extérieur alors ? L’église n’est-elle pas l’Eglise pendant les sept jours de la semaine, lorsqu’elle est dispersée et non plus rassemblée ? Les dons de l’Esprit sont-ils désactivés dès lors que l’on sort des bâtiments d’église ? Mais alors, comment l’amour tout simple et le témoignage seraient-ils possibles ? Et pourquoi serionsnous seulement dans les dons naturels au travail et seulement dans les dons spirituels « à l’église » ?


4 . Mon témoignage d’enseignant
J’ai été enseignant en physique et aujourd’hui je suis enseignant dans le peuple de Dieu. Le don est le même. Lorsque j’étais professeur en physique, il m’arrivait, avant un cours, d’avoir besoin de Dieu pour savoir comment enseigner la matière et je demandais à Dieu de m’inspirer et… alors je prêchais littéralement la physique. J’avais reçu l’inspiration de Dieu pour l’enseigner. Ce n’était pas une autre physique que celle de tous les autres physiciens. Mais, au début, cela me posait des questions : ai-je le droit de faire cela, de mêler Dieu à l’enseignement de la physique ? J’étais presque effrayé de 5 voir le même St-Esprit à l’oeuvre dans l’enseignement du bassement profane (la physique) et du hautement spirituel (la prédication de la Bible). N’étais-je pas en train de souiller le St-Esprit en lui faisant place dans l’enseignement de la physique ? Evidemment toutes ces questions venaient de ma vision dualiste inconsciente. Le dualisme rend toujours un peu schizophrène.

5. Quelques pistes pratiques
Mais alors, comment peut-on collaborer avec le St-Esprit sur le lieu du travail ? Donnons quelques exemples : on peut apprendre à écouter la voix de Dieu et recevoir son conseil, pour telle démarche, téléphone à faire, pour savoir s’il faut se taire ou s’il faut parler etc. Dans le cas de lourdeurs de climat on peut apprendre à en discerner l’origine et, plutôt que de se plaindre, critiquer ou se moquer on peut apprendre à se retirer un petit moment pour prier, mener le combat contre nos vrais ennemis qui sont spirituels (Eph 6.10ss). Dans le cas de problèmes relationnels graves (mobbing ou autre) ou dans le cas de difficultés financières ou structurelles de l’entreprise on peut chercher des partenaires de prière, sur place ou en dehors et prier pour le lieu du travail. N’est ce pas notre paroisse, celle dont nous sommes aussi responsables ; celle où Dieu nous a envoyés ? Lancer et vivre des groupes de prière sur le lieu du travail peut initier une dynamique de transformation de toute l’entreprise. Oui, c’est aussi cela l’église.

Et au niveau du caractère ? Ce n’est pas toujours facile de pratiquer la justice du Royaume de Dieu. Par exemple, sur ma place de travail d’enseignant cela consiste à ne pas cacher ses propres erreurs et à les reconnaître publiquement ; ne pas faire de préférences et aimer les étudiants, qu’ils soient bons ou mauvais ; voir la personne avant de voir sa prestation ; tenir bon face aux chantages, aux pressions ; mettre des limites claires et s’y tenir (pour la discipline et les prestations) ; ne jamais se moquer, ni mépriser, ni utiliser les autres ; respecter l’autorité sans devenir passif ni silencieux ; ne jamais tromper sur des questions d’argent.

Oui, Dieu nous appelle à être les mêmes « à l’église » et au travail. Cela se nomme l’intégrité. Nous sommes ses serviteurs en tout lieu, tous à plein-temps, hommes et femmes, nouveaux prêtres de Jésus.