Le Lien des cellules de prière

183 | Octobre 1992

Guérir nos relations

Parmi tous les défis posés à l’Église la gestion des relations est un des plus aigus.
Déjà du temps des apôtres, des difficultés importantes à vivre l’unité menaçaient la cohésion et le témoignage du Corps de Christ. Les églises de Corinthe et de Rome, par exemple, vivaient à la limite de ruptures internes, d’où les lettres écrites par les apôtres. Du reste, ces derniers connaissaient aussi des problèmes dans leurs relations (Voir Actes 15:37-40).

Dans les siècles qui ont suivi, les églises ont aussi connu ces difficultés. Elles ont offert au monde le spectacle de leurs relations brisées: amertumes, divisions et guerres. Le tout soi-disant justifié par des différends théologiques!

Aujourd’hui, au XXe siècle, le défi d’une bonne relation fraternelle reste entier, et le groupe de prière est un lieu privilégié pour l’exercer.
 
Une étrange question…
La question préliminaire qui se pose lorsqu’on désire aborder ce sujet est la suivante: Pourquoi les personnes que nous rencontrons produisent en nous des réactions si diverses?

Chacun en a fait l’expérience: telle personne crée immédiatement en nous un lien affectif, nous la trouvons attachante et sympathique, sa compagnie nous est agréable et nous n’avons aucune difficulté à vivre en relation avec elle.

D’autres, par contre, ont dès le premier contact quelque chose qui nous déplaît et nous semblent antipathiques, quand ce n’est pas carrément haïssables.

Comme cela n’est pas très "chrétien", nous justifions rapidement cette attitude en nous mettant en chasse de défauts susceptibles de justifier notre attitude.

Les défauts découverts, nous voici tranquillisés. Cette personne mérite bien notre désapprobation. Ainsi, sauf bouleversement salutaire, la relation avec cette personne, souvent de la même église, est irrémédiablement brisée.

Pourtant, comme le montre cet exemple, nous devons reconnaître que les causes que nous invoquons ne sont pas les vraies raisons de cette antipathie.

Car dès le premier contact, c’est un peu comme, si en nous, la haine ou l’amour avait déjà fait un choix.

Mais alors, quelles en sont les origines?
 
Le souvenir de notre âme.
La raison de tout cela n’est pas trop difficile à comprendre: les personnes que nous rencontrons évoquent en nous les relations, bonnes ou mauvaises, de notre vie. C’est un peu comme si à l’intérieur de nous un fantastique ordinateur, gardait en mémoire les expériences vécues avec les personnes qui nous ont côtoyés depuis notre naissance.

Ces "dossiers secrets", soigneusement tenus à jour par nos sentiments, abritent tous les souvenirs de l’amour ou de la haine dont nous avons été l’objet.

Notre âme est particulièrement sensible aux blessures que nous avons subies: injustices, moqueries, violences, indifférences, etc. Ces souvenirs douloureux écrits au fond de notre âme sont prêts à se réveiller subitement devant une personne ayant des ressemblances avec un responsable de cette souffrance.

Souvent nous n’avons plus de souvenirs conscients de ces événements alors que ces données enregistrées dans notre âme sont soigneusement conservées.

Dans chaque groupe humain, ces souvenirs inconscients créent de grands problèmes relationnels entre les personnes. Beaucoup de chrétiens se battent contre les sentiments d’amertume, de vengeance ou de haine qui les envahissent. Malheureusement, ils ne comprennent pas toujours que ces sentiments sont en relation avec des événements ancrés profondément dans leur vie. C’est pourquoi le combat qu’ils mènent est inégal, car même s’ils le désirent, ils n’ont pas la force de faire tarir la source des sentiments qui les habitent.
 
La puissance de l’Esprit.
Jésus nous dit de nous aimer les uns les autres dans un même esprit. Nous l’avons vu, cette œuvre ne peut pas se faire d’une manière superficielle, car pour s’exprimer dans les relations communautaires, l’amour doit d’abord faire un travail dans la partie cachée de notre âme. Pour permettre à Dieu d’agir dans notre cœur, il est nécessaire de ne pas garder cachés les sentiments réels que nous avons pour ceux qui nous entourent. Même s’il est difficile (pour notre image de marque!) de l’admettre, nous devons avouer à Dieu les sentiments négatifs que nous avons envers telle ou telle personne. De cette manière, même si nouas ne sommes pas encore dans une attitude d’amour, nous avons quand même progressé en étant humble devant Dieu. La vraie humilité consiste à reconnaître ce que nous sommes, et cela particulièrement quand nous sommes hors du plan de Dieu (Psaumes 51:1-6). Malheureusement, beaucoup de personnes restent bloquées sur cette étape, car voulant sauver la face, elles portent un masque souriant, alors que leurs sentiments sont remplis d’amertume. Et pourtant, si seulement elles savaient combien il est libérateur de dire à Dieu: "Seigneur je suis esclave de ma haine…"

La suite du chemin de la restauration de nos relations concerne toutes des "fiches" établies au fond de notre âme. Comment transformer les sentiments laissés par les événements de notre passé? Bien sûr, cela est impossible à l’homme e, seul le travail de l’Esprit de Dieu peut l’accomplir. Néanmoins, pour permettre ce miracle, il est important de comprendre comment ces souvenirs nauséabonds peuvent être transformés.

Parmi tous les sentiments gardés en mémoire, les injustices que nous avons vécues sont les plus tenaces. Un enfant mal-aimé, rejeté, violenté ou ignoré par son entourage gardera au fond de lui une blessure profonde, qui cherchera à s’exprimer par une légitime révolte contre ceux qui l’ont fait souffrir.

Ce désir de justice est tout à fait compréhensible, c’est la loi du Talion (œil pour œil, dent pour dent) qui crie au fond de son cœur et distille des sentiments agressifs de révolte. Mais comme il est facile de le démontrer, la loi du Talion, si elle était appliquée, conduirait à la mort de tous, car qu’arriverait-il aux hommes s’ils devaient payer avec leur vie les conséquences de leurs mauvaises actions?
 
La Croix dans le cœur.
Si, comme chrétien, nous connaissons bien l’œuvre que Christ a accomplie en nous libérant de la loi de Moïse, nous ignorons souvent que cette œuvre s’applique aussi à la loi intérieure de notre âme. Ainsi, à la loi de notre cœur qui crie de "rendre le mal pour le mal", Christ a répondu en apportant une loi, la grâce et le pardon (voir Matthieu 18:21-35).

Au lieu de reporter continuellement nos rancunes sur ceux qui nous ont fait du mal, Jésus nous offre de prendre lui-même la place du fautif. Ainsi, bien qu’il ne soit pas responsable du mal qui nous a été fait, Jésus accepte de le porter sur lui. Cette œuvre de la croix est fantastique et c’est la source qui rend le pardon possible. Je ne pardonne pas parce que je considère que l’injustice n’est pas si grave que ça, mais je pardonne parce que je réalise que l’injustice que l’on m’a faite est portée par Christ.

D’une manière pratique, cela veut dire que Christ accepte que je déverse sur lui mes ressentiments et mes amertumes. À la lumière, bien sûr, de son œuvre sur la croix.

Un tel amour est désarmant… et si nous le comprenons, il nous désarme de toutes rancunes ou désirs de vengeance envers les autres.
 
À vivre ensemble.
Un groupe de prière est un lieu privilégié pour vivre cette guérison de nos sentiments. Cette démarche doit se vivre dans un climat d’amour où chacun s’engage à ne pas juger l’autre, mais à l’entourer de la grâce de Christ.

Voici quelques conseils pour aborder ce thème dans votre groupe:

Après avoir relu cet article, et les textes bibliques mentionnés, partagez les difficultés relationnelles que vous vivez (en particulier les plus tenaces).

Quelles sont les personnes qui vous irritent? et pourquoi?

Ces personnes évoquent-elles des situations que vous avez déjà vécues?

Après ces partages, prenez un bon temps de prière pour chaque problème soulevé. En priant pour une personne du groupe, soyez attentifs à ce qu’elle vit dans son cœur: blessures, désir de vengeance, rancune. Demandez à Dieu de discerner les causes de ces sentiments et encouragez-la à déverser ses sentiments devant Jésus-Christ.

Ce temps de prière devrait aboutir à la décision de pardonner. Même si les sentiments de haine sont encore là, le pardon qui est un acte de foi peut être donné. La prise de position d’accorder un pardon, est comme un feu vert à l’intervention de Dieu, les fruits de cet acte ne sauraient tarder.