Le Lien des cellules de prière

197 | Avril 1996

Apprendre à accueillir les visiteurs

Nos groupes de prière sont comme des chaloupes de sauvetage qui ramènent les naufragés dans des navires de secours. Mais le but n’est pas seulement de nous réjouir et de perfectionner les navires. Le but est aussi – et même avant tout – de reprendre la mer dans les chaloupes pour aller en sauver beaucoup d’autres, à commencer par ceux de notre entourage. Le but est de les mettre en relation directe avec leur Père du ciel par l’intermédiaire du Christ vivant et qu’ainsi leur vie s’unisse à celle de Dieu. Alors les cellules multiplient, la royauté de Dieu s’étend, le Corps de Christ grandit.

Il est donc indispensable qu’au moins une fois par mois le groupe de maison consacre entièrement sa rencontre aux personnes contactées par ses membres pendant la semaine ou le mois précédents. Mais alors, COMMENT va se dérouler une telle rencontre où des nouveaux sont accueillis?


Ne pas tomber dans les pièges.
Il est incroyable de voir à quel point la plupart des chrétiens qui se trouvent dans ce cas, malgré leurs bonnes intentions, sont malhabiles et comme enfermés dans des habitudes qui ne conviennent pas! Des groupes entiers se trouvent comme prisonniers d’une chape de religiosité, une véritable domination mentale, voire "spirituelle", qui les rend inabordables. Pourquoi? Surtout parce qu’on aime son confort communautaire, on aime être entre soi. Par une sorte de paresse, on vit la réunion selon un déroulement et des procédés devenus des habitudes routinières, sous prétexte qu’ils ont bien marché au début. Bien des groupes, en cas de visites de gens extérieurs, ne changent pas le déroulement habituel de leur rencontre! C’est oublier que nous marchons selon l’Esprit créateur et non selon la lettre.

Prenons quelques exemples:
– Après quelques minutes de bavardage, on commence par "un moment de louange". Or, il arrive assez souvent qu’on chante des chants contenant pas mal de "patois de Canaan": un langage peut-être sublime pour un chrétien instruit et spirituel, mais quasi incompréhensible pour quelqu’un du dehors. Que signifie par exemple pour lui l’expression "l’Agneau de Dieu" ou "le sang expiatoire", s’il n’est pas dans une culture à pratique sacrificielle? Rien! Des mots comme souveraineté, sacrificateurs, parvis, ou d’autres expressions excellentes mais qui s’enracinent dans la culture de l’Ancien Testament, ne peuvent que donner à des gens non préparés l’impression d’être transportés sur une autre planète. Il est juste d’instruire les chrétiens sur ces notions mais ne les imposons pas aux gens étrangers à l’Église: ce serait les mettre devant une course d’obstacles!

– Il arrive souvent que ces chants et prières soient exprimés de manière plus ou moins machinale, sans vraie adoration et avec des gestes et attitudes étranges pour des visiteurs comme: lever les mains avec un regard "évaporé" et perdu dans les nuages… ou au contraire se courber dans une humiliation rituelle avec une physionomie crispée et "coincée"… Je suis personnellement très favorable à ce que le geste accompagne la parole, à condition qu’il corresponde à un état d’esprit réellement habité par la présence de Dieu. Mais dans l’accueil de nouveaux venus, nous devrions nous demander: "si j’étais à sa place, là pour la première fois et non converti, quelle serait ma réaction?" Se mettre à la place des autres, c’est le commencement de l’amour.

– Il arrive aussi que certains prient avec un ton spécial qui n’est pas du tout celui qu’ils emploient habituellement, un ton artificiel empesé par la religiosité; ou alors on prie avec un ton exalté et montant en crescendo vers un débordement de sentimentalité. Cette façon de s’exprimer va donner aux visiteurs l’impression d’être tombés dans un milieu étrange, voire étranger et sectaire.

– Si, en plus, "l’étude biblique" qui suit, au lieu d’être pratique et centrée sur le Seigneur, traite de la prédestination ou du millenium en rapport avec l’enlèvement de l’Église, ces nouveaux venus vont être complètement largués et confirmés dans leur impression que les communautés chrétiennes sont des sortes de "bulles" étanches sans rapport avec leur réalité quotidienne. Je caricature, évidemment, pour mieux faire comprendre, mais il y a souvent de cela dans bien des cellules!

Je ne dis pas que commencer par un temps de prière et d’adoration quand il y a des visiteurs soit toujours faux; il est vrai que des non croyants ont pu se tourner vers le Christ en de tels moments! Mais alors ces moments devraient être donnés par le Seigneur,
vécus dans une onction évidente de l’Esprit Saint qui rend les réalités spirituelles palpables et qui communique une sorte de liberté joyeuse où même la pesanteur quotidienne est soulevée de terre! Si ce "climat", cette présence de Dieu n’y sont pas, alors autant se contenter d’une simple invocation au Seigneur, réelle et pleine de foi.
 

Se forger une mentalité d’accueil
Quant à l’accueil dans une rencontre avec des gens du dehors, je conseillerai le principe suivant: ils doivent se sentir aussi à l’aise qu’autour d’une table de café ou de restaurant! Non pas qu’on doive y trouver le même esprit; mais il devrait y avoir la même liberté d’être soi-même, où chaque partenaire est en quelque sorte à égalité avec les autres.

Bien sûr, il n’est pas question pour nous chrétiens de nous conformer au monde en perdant notre autorité spirituelle. Le sel qui est en nous, ce parfum de Dieu, doit pouvoir attirer, englober et élever notre entourage vers la Réalité divine du Fils de l’Homme. Mais du point de vue culturel, relationnel, psychologique, nous ne devrions faire preuve d’aucune prétention particulière; nous devrions nous montrer
aussi vulnérables que les invités!

Relisez le récit de Jésus parlant avec la femme samaritaine (Jean chap. 4): du point de vue humain, il n’a aucune position de supériorité, bien qu’il soit réellement le Fils de Dieu: il est fatigué, il a soif et c’est lui le demandeur! Il a bien la supériorité spirituelle d’être un vrai Juif par rapport à la femme de Samarie, mais justement, il ne s’en sert pas et ne porte pas le moindre jugement désobligeant, pas le moindre mépris sur cette femme terre à terre et probablement superstitieuse. Même quand il discernera son problème, son "péché", il ne portera aucun jugement sur sa personne (pourtant spirituellement, il maintiendra la vérité: "le salut vient des Juifs").

Nous devons nous inspirer de la même attitude:
vulnérabilité: par exemple décliner nos identités avant de demander celle de nos visiteurs… Humilité: rendre des services ou oser en demander, comme Jésus l’a fait. Surtout absence de jugement, quels que soient le style de vie, les manières, l’accoutrement, le manque de finesse, l’ingratitude, voire même l’arrogance des visiteurs. Même une réticence non verbale mais pensée est ressentie par l’invité, souvent très sensible aux regards, aux moues, aux silences désapprobateurs, surtout s’il souffre de rejet. L’esprit de jugement, c’est la poutre qui est dans notre œil et qui nous rend totalement incapables de voir selon l’Esprit. À plus forte raison, cette poutre nous empêche d’ôter la paille de l’œil de l’autre. Nous avons besoin d’un cœur vraiment neuf à ce sujet, le cœur large et profond de Jésus!

Dans une "réunion d’évangélisation" pour nouveaux, pourquoi ne pas commencer par des boissons, un "buffet", un pique-nique où chacun apporte ce qu’il veut et le partage, un repas chaleureux et convivial, comme Jésus l’a fait avec beaucoup? Après avoir remercié le Seigneur, pourquoi ne pas laisser courir spontanément la conversation, tout en dégustant, en faisant confiance que le Seigneur conduit tout, comme les responsables l’ont demandé avant la rencontre? Alors, apprivoisé et mis en confiance, l’invité pourra s’ouvrir et partager son vécu, récent ou ancien, ses difficultés, ses espérances; et nous, nous partageons les nôtres en y mêlant un peu d’humour!

Si en plus, la paix, la bienveillance et la joie règnent parmi les chrétiens, les visiteurs ne tarderont pas à poser des questions ou à lancer des "coups de sonde" pour entendre ce que leurs hôtes chrétiens auraient à leur dire. Ils observent et ils écoutent. Un échange fructueux s’en suit, avec peut-être des témoignages vécus, concrets, "au ras des pâquerettes". Le recours à tel passage biblique viendra spontanément à l’esprit d’un des participants. Il n’y a même pas forcément besoin de préparer un message à l’avance, l’essentiel étant d’être préparé soi-même devant Dieu et par rapport au prochain. Il peut être bon d’avoir un message préparé pour la circonstance, mais les interventions spontanées et en particulier les témoignages, quand ils sont enracinés dans la Parole vivante, ont un effet puissant. Le recours à des diapos, à une cassette vidéo, à des sujets d’actualité, par exemple du genre:
comment agir avec nos enfants et adolescents dans la rébellion, peuvent être de bons points d’accrochage aussi.

Alors, si les responsables discernent qu’un climat de vraie confiance s’est établi et que les invités sont réceptifs au Seigneur, il devient naturel d’inviter les participants à un moment de dialogue avec Dieu par la prière. Mais alors, ayons des prières
simples et courtes qui aillent droit au but. Des prières qui ne s’adressent pas par allusion aux invités pour "leur faire la leçon" ou pour les flatter, mais des prières qui s’adressent au Seigneur. On peut aussi encourager les plus ouverts parmi les nouveaux à s’exprimer eux-mêmes, dans leur confiance naissante au Dieu Sauveur, pour lui ouvrir leur cœur.
 

Les présenter au Seigneur lui-même
Pour terminer, il importe, une fois préparé, d’être naturel et dépréoccupé de soi et même du groupe. Nous n’avons rien à prouver, mais seulement à être des témoins du Christ, habités par l’Esprit du Père. Quand c’est lui, quand c’est sa Parole et son amour qui demeurent en nous, alors nous sommes dans le repos. Nous présentons Jésus sans crispation, comme nous présenterions notre meilleur ami, avec le feu intérieur de l’amour passionné. Nous savons à quel point TOUT nous est donné au travers de lui: la paix avec Dieu, le pardon sur notre passé, la vie véritable, la communion affectueuse du Père, la victoire sur les forces qui nous détruisent de l’intérieur, l’affranchissement des fatalités, la capacité d’aimer réellement son prochain, l’espérance de la résurrection et du Royaume de Dieu, le miracle de la communion fraternelle, etc. Présenter un tel Ami, un tel Maître, est enthousiasmant! Présenter nos amis à cet Ami l’est tout autant! Mais alors, dans ce type de rencontre, ayons le courage d’adopter un style qui mette à l’aise et fasse envie! Que le Seigneur nous communique sa grâce et son feu!